LES SIGNAUX DE
L’AMIRAL
L’amiral
britannique sir John Norris (vers 1670-1749) participa à la bataille de la
Hougue (1692) et servit notamment en Terre-Neuve. Il fut nommé amiral en 1709
et commanda l’escadre de la Baltique. Lord de l’Amirauté entre 1718 et 1730, ensuite la flotte de la Manche
puis quitta le service actif en 1744, dépité de ne pas avoir réussi à s’emparer
de l’escadre de Brest. Ce marin a illustré lui-même et complété un exemplaire
du Sailing and Fighting Instructions for
the Majesties Fleet (Londres, vers 1711, in-folio). Cet « unica »
était présenté lors de la Tefaf Maastricht par le libraire londonien, Daniel
Crouch, avec un prix de 50.000 £. Les pages comprennent 100 petits croquis de
bâtiments toutes voiles déployées, agrémentés de pavillons de signalisation coloriés à l’encre, placés dans
les marges, plus deux descriptions
d’additions manuscrites de signaux signées de la main de l’amiral (1).
Le
volume, relié en plein maroquin marron, est orné d’une dentelle sur les plats
et du titre de l’ouvrage. Une inscription indique que cet exemplaire a été
offert en septembre 1866 par Thornton A.
Jenjins, chef du bureau de Navigation à
Gideon Welles, alors Secretary of the Navy du président
Abraham Lincoln. On ne connaît pas d’autre exemplaire de cet ouvrage. La page de titre qui ne comporte pas de nom
d’auteur, ni d’adresse bibliographique, indique seulement : « Signals
by day/SIGNALS to be
observed/ Sailing and Fighting INSTRUCTION
/FOR/ His
Majesties FLEET ». On peut y lire par exemple les instructions devant être suivies par un
jeune capitaine, face à un plus âgé. Plus loin, se sont les descriptions des
pavillons des officiers à bord du bâtiment amiral, etc. Le seul moyen de communiquer d’un bord à l’autre, au
cours des manœuvres des batailles était d’utiliser des morceaux d’étoffe
colorées. Dès 1541, le vocabulaire maritime décrivait le Pavillon comme une pièce d’étoffe, généralement de forme
quadrangulaire, hissée sur un navire afin d’indiquer sa nationalité, sa
compagnie ou pour communiquer un signal. Dans son Art de la navigation, troisième partie des Arts de l’homme de l’épée (Paris, G. Clouzier, 1678, in-12),
Georges Guillet de Saint-Georges, décrit le « pavillon » comme une
« Bannière, ordinairement d’étamine , qu’on arbore à la pointe d’un Mat,
ou sur le Bâton de l’Arrière, & qui est coupé de diverses façons, &
chargés d’armes & de couleurs, tant pour le discernement des Nations, que
pour la distinction des Officiers Généraux d’une Armée Navale ». Ce sont
les fameux« pavillons Quarré Blanc », définis par le Règlement de
1670. Guillet n’évoque pas les Signaux,
au contraire de Tourville qui les étudia et les améliora. Il existe plusieurs
manuscrits de ses Signaux généraux
mis au point dès 1693. Ils furent réimprimés « par ordre du roi »
sous le titre Signaux et ordres généraux
du maréchal de Tourville (Toulon, Mallard, 1744, in-folio).
Les signaux seront vraiment codifiés en 1738 par
Bertrand-François Mahé de la Bourdonnais, grâce à dix fanions de couleurs
différentes. Quelques années plus tar, en 1778, Jean-François du Cheyron du
Pavillon publiait Tactique navale dans lequel il mettait au point un nouveau mode de communication
entre les différents bâtiments de la Royale. Celui-là fut inauguré par Louis
d’Orvilliers lors de la bataille d’Ouessant, (27 juillet 1778) qui vit la défaite de la flotte de l’amiral britannique Keppel. A
cette époque à bord des bâtiments, on imprimait ces manuels de signaux, les
premières « impressions d’escadre » datent en effet de 1778.
De l’autre côté de la Manche, Richard Howe proposa en 1790 son propre Code,
composé de dix pavillons colorés, six drapeaux spéciaux pour les caractères de
contrôle et un dictionnaire de 260 entrées numériques. Puis en 1803, l'amiral
sir Home Popham publiait son Telegraphic
Signals or Marine Vocabulary. Il enrichit au cours des années suivantes,
son système à l’aide d’une nouvelle gamme de fanions numériques, disposant
ainsi d’un vocabulaire d’environ 30.000 mots. Entre temps, en 1819, la France
diffusait un petit in-folio intitulé Pavillons
des puissances maritimes, composé de 30 planches en couleurs (2). Finalement,
en 1855, un comité fut chargé par le "Board of Trade" britannique
d'établir un projet de code. Ce premier Code international comprenant 70 000
signaux et utilisant 18 pavillons, fut publié en 1857. L'ouvrage fut adopté par
la plupart des nations maritimes.
(2) Cité par la Bibliographie maritime française, de
Jean Polak (1976).