mercredi 7 avril 2010
LES PASSAGERS DU VENT ET LES ESCLAVES
L’une des bandes dessinées parmi les plus mythiques de son histoire trouve sa consécration au musée de la Marine.
« A l’origine, je ne pensais pas réaliser une histoire purement marine, sans songer composer une histoire consacrée à la traite négrière », confie François Bourgeon auteur et illustrateur qui a imaginé cette histoire des « Passagers du vent » vers la moitié des années 1970, sans imaginer qu’elle deviendrait l’une des plus mythiques de celle de la bande dessinée marine et de la BD tout court, car elle rompt les digues qui la séparait de la littérature. Quatre albums devaient suivre jusqu’en 1984, puis plus rien. Le récit s’achève lorsque l’héroïne, dépouillée de tout, s’élance, sous la pluie, sur une plage de Saint-Domingue, le vendredi 29 mars 1782, en disant : » Ce jour-là, j’ai failli oublier que je n’avais, sommes toute, que dix-huit ans…et encore toute la vie devant moi ». Vingt-cinq ans plus tard, François Bourgeon vient de donner une suite à ces Passagers du vent, sous le titre La Petite-fille Bois-Caïman (1).
Le musée national de la Marine (2) présente aujourd’hui des planches originales, des objets et maquettes sortis de l’atelier de cet auteur qui a connu la mer et surtout les bâtiments de haut bord et autres navires, en lisant Le vaisseau de 74 canons, traité pratique d'art naval, 1780 par Jean Boudriot (3). Cet ouvrage est pratiquement le seul qui explique et décrit d’une manière précise l’architecture, la composition de ce type de vaisseau de ligne et également la vie à bord. « En refermant le livre, j’ai éprouvé le désir, comme lorsque l’on vient d’assister à un bon film et que l’on incite ses amis à aller le voir, de partager cet univers », dit François Bourgeon. Sans coup férir, il réalisa une maquette de la frégate baptisée « La Marie-Caroline » afin d’en apprendre et les gréements. Entre temps, il eut entre ses mains l’ouvrage de Pierre Verger, Flux et reflux de la traite des nègres entre le golfe de Bénin et Bahia de Todos Os Santos du XVII° au XIX° siècle ». C’est ainsi que s’est orienté son récit. Il découvrit dans les archives coloniales, rue Oudinot, à Paris, le plan du fort de Saint-Louis de Juda, réalisé en 1776 par l’abbé Bullet. Relevant leurs cotes, il les a reproduits en maquette, notamment pour étudier les ombres, utilisant si besoin était, des miroirs afin de suivre le déplacement des personnages. François Bourgeon est un grand lecteur qui ne cesse de croiser et recroiser les informations qu’il glane çà et là. Les maquettes font partie de ces croisements. Retrouvant des aquarelles figurant les plantations de la Louisiane au milieu du dix-neuvième siècle, l’illustrateur a su placer son décor principal de La Petite-fille Bois-Caïman.
L’histoire des Passagers du vent est double. Elle est celle d’Agnès de Roselande dont l’identité a été volée à cause d’un jeu d’enfants. Devenue, malgré elle Isabeau, dite Isa, elle se retrouve embarquée sur un vaisseau du roi. Les aventures mèneront la jeune femme en Angleterre puis en Afrique et enfin à Saint Domingue, avant que nous la retrouvions, en présence de son arrière-petite-fille, en Louisiane, au moment de la Guerre de Sécession. Nous sommes en présence d’un roman dans lequel les femmes jouent le principal rôle au centre d’un conflit qui dura, celui de la traite des noirs, jusqu’à sa suppression. François Bourgeon conduit son récit avec des allers et retours, fournissant au lecteur les explications qui lui semblent manquer un moment. Rien de linéaire chez lui, il mène pourtant à bien sa bataille pour la liberté. Les deux derniers tomes composés dans un format plus grand que celui des cinq premiers, et grâce aux nouvelles techniques avec une colorisation plus intense, et un jeu de vignettes superposées, sont, le mot n’est pas trop fort, remarquables.
(1) les Passagers du vent, « la Fille sous la dunette », « le Ponton », « l’Heure du serpent », « le Comptoir de Juda », « le Bois d’ébène », - La Petite-fille Bois-Caïman, livre 1, et 2, 70 p. ,Editions 12Bis,
(2) Musée national ce la Marine, place du Trocadéro, Paris, jusqu’au 3 mai 2010.
(3) Ed. Ancre (Nice) 4 to. 416 €.
On eut lire aussi : Bourgeon, par Christian Lejale, Ed. Imagine & Co -
– François Bourgeon, le passager du temps, par François Cortegianni, Glénat
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