mardi 23 décembre 2014



Conte de Noël
TU BÂTIRAS ICI UNE PETITE CHAPELLE


Là-bas, derrière les hautes haies, sur la petite colline, une fontaine a soudain jailli au bord du chemin. On lui a donné le nom de Saint-Martin, en souvenir de l’évêque de Tours qui, dit-on, passa par ici. Sans doute revenait-il d’une visite qu’il avait faite à son ami Hilaire, évêque de Poitiers ? La route ne devait pas être dans un bel état en ces temps anciens, on prétend que l’ancien circitor qui n’était désormais habillé que par la moitié de son manteau, après qu’il en eut donné l’autre partie à un pauvre hère, eut soif et fut guidé vers cette eau qui sortait de la terre. Si la légende perdure quant à son passage, elle tient davantage aux histoires que se racontaient les lavandières. Celles-ci profitant de cette eau coulant en abondance firent bâtir un lavoir. Et durant des années et des années, on entendit dès le printemps et jusqu’à la fin de l’été,  leurs rires et leurs saillies mélangés aux claques des battoirs s’abattre sur le linge humide. A l’exception d’un jour, où soudain, ces joyeuses ritournelles cessèrent d’un coup. Il y eut un grand silence, les oiseaux qui n’hésitaient pas à se mêler des folles conversations, s’étaient tus. Les bovins dans les prairies voisines avaient suspendu leurs meuglements, les chevaux eux-mêmes avaient arrêté leurs cavalcades. Le vent qui caressait doucement, en cette basse saison qui annonçait déjà l’automne, semblait s’être assoupi. Seule la clarté du jour s’était faite plus intense. Oh ! les bonnes femmes n’avaient pas été saisies de crainte, elles s’étaient figées, le cœur battant comme à l’annonce d’une heureuse nouvelle.
             Elles avaient vu surgir du chemin, marchant tranquillement dans les ornières encombrées de cailloux et d’herbes encore sèches, une jeune femme vêtue d’une simple robe blanche galonnée de bleu. Le châle qui la  couvrait était composé de la même étoffe tissée avec les fils les plus fins que l’on puisse connaître. La dame souriait tout en s’approchant des lavandières toujours à genoux dans leur carrosse duquel dépassait une bonne épaisseur de paille. Elles avaient toutes tourné la tête vers l’apparition. Elle s’arrêta, et avec une voix douce, leur demanda quelle était la direction de la petite chapelle d’Oroux. Les femmes se regardèrent les unes les autres et haussèrent les épaules en signe d’ignorance. La plus hardie se releva de sa caisse en bois rongée par les jets de cendre avec laquelle on frottait  le linge, et proposa à la dame de l’accompagner vers le château d’Oroux, tout en lui disant qu’elle y connaissait une grande chapelle attenante au logis principal, mais pas du tout de petite chapelle. La si belle visiteuse acquiesça, remercia la compagnie et suivit la paysanne qui lui dit se nommer Élisabeth. « Ah, comme ma cousine ! », lui dit la dame, d’un air amusé, avant de se désigner : « Je suis Marie ».
             A ce moment, un vol d’oiseaux de toutes les espèces tourbillonna au-dessus de la scène, ceux qui étaient demeurés sur les branches reprirent leurs chants, les animaux lancèrent à leur tour leurs cris, le vent en profita pour recommencer ses caresses dans les feuillages. Les chevaux hennirent et l’on entendit même braire un troupeau d’ânes parqué non loin de là. Les femmes n’osaient s’avouer qu’elles avaient reconnu la bonne Dame. Pendant ce temps, Celle-ci guidée par la jeune Anne descendait le chemin, suivant la rivière de l’Altrère. Elles aperçurent déjà les tours carrées de la maison. En chemin, Marie saisit les boutons d’un rosier blanc et les garda dans sa main.
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             Raphaël, réfugié dans son bureau, entendait dans la grande salle, les enfants se chamailler. Ils avaient, ce matin, décoré le sapin, installé la crèche, convenu que ce serait la plus jeune qui déposerait cette nuit, l’Enfant-Jésus dans la mangeoire. Se retournant, il aperçut une curieuse lueur, de l’autre côté de l’étang. Il décida d’y aller voir. Il crut deviner les contours d’une petite bâtisse qui ne pouvait évidemment pas exister. Un rosier aux corolles blanc éclatant se dressait à la croisée du chemin et du ruisseau. Il entendit,  sans voir quiconque,  le rire d’un enfant et la voix douce d’une mère ;  puis une voix, cette fois s’adresser à lui : « Tu bâtiras ici, une petite chapelle, et tu Nous y accueilleras l'Enfant et moi,  au prochain Noël ».
                             

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