vendredi 5 janvier 2018



      LE GENRE DU CONTE DE NOËL



             Dans son essai consacré à La Formation des légendes, paru en 1910, Arnold van Gennep (1873-1957)  décrit le conte, « qui ne sert plus ni à instruire, ni à moraliser, mais seulement à amuser ». Cet ethnologue et folkloriste a consacré ses études à l’établissement du folklore comme discipline scientifique. Il a ainsi laissé, malheureusement inachevée,une histoire du Folklore français, en trois cycles (Bouquin, 1999). Le dernier consacré aux Cérémonies périodiques, cycliques et saisonnières, contient celui des Douze Jours : de Noël. Il s’y s'interroge sur les rites de fin et de début d'année dans toute la France, à travers l’arbre de Noël,  le réveillon des animaux, le fouettage des filles ou le  partage de la galette des rois, etc. Il restitue les origines et la signification de ces rites.
             Les contes servaient à alimenter les veillées autour de l’âtre. Tout conteur était le bienvenu, davantage le soir précédent Noël. Durant la période médiévale, les contes de Noël étaient directement inspirés du Nouveau Testament. « L’Histoire Sainte  était une fantastique source d’histoires que nos aïeux reprenaient en brodant leurs versions, au fil des générations, à la veillée », rapporte Sophie Lounguine, auteur de Fêtes de Noël et du Nouvel An, autour du monde (Horay, 1995). En réalité, le conte de Noël ne devint un genre littéraire qu’au XIX° siècle, notamment avec Charles Dickens qui publia en1843, A Christmas Carol in Prose: Being a Ghost Story of Christmas, (Chapman & Hall (in-8). Cet ouvrage   illustré d’un frontispice, 3 planches coloriées à la main et 4 bois gravés in-texte par John Leech, connut un succès phénoménal.                           Depuis Dickens, journaux et revues publièrent des contes de Noël, commandés à des écrivains, créant ainsi un genre qui n’est pas près de s’éteindre. Dostoïevski composa un Noël russe, très proche de La petite fille aux allumettes d’Andersen, et un autre, tout aussi triste et terrible : L’Arbre de Noël et le Mariage publié en 1848.  Souvenons-nous des  réjouissantes Trois messes basses  d’Alphonse  Daudet (1869)  ou de la moqueuse histoire Deux et deux font cinq d’Alphonse Allais (1895), voire le triste Noël de Guerre par Jean  de  La Varende (1938). Ce dernier fut souvent sollicité par les revues et journaux afin qu’il leur donne un conte de Noël. Patrick Delon en a retrouvé une quinzaine écrits entre 1940 et 1961 qu’il a publié sous le titre de Mes plus  beaux Noëls (Romana, 2010).  Les anthologies de contes de Noël se comptent par centaines.
             Reste les contes qui n’ont pas été écrits ou oubliés  et que l’on peut imaginer être encore meilleurs. Jean Giono (1895-1970) s’adressant à un correspondant non identifié, évoquait des sujets d'articles à faire paraître, des droits d'auteurs, de la longueur d'articles, etc.  Et en avril 1964,  l’écrivain  lui disait  qu’il n’avait « hélas, jamais rien écrit sur le 14 juillet ». Son programme de travail était trop chargé pour qu’il puisse le faire. Dans une autre missive de la mi-novembre 1966, il se déclarait très souffrant depuis plus d'un mois : « Il me sera impossible d'écrire un conte de Noël pour M. Amouroux, [alors rédacteur en chef du quotidien Sud-Ouest] mais s'il en a besoin j'ai un conte de Noël intitulé "La nuit du 24 décembre 1832", 25 pages dactylographiées [...] C'est une nuit de Noël fort curieuse ».  Giono indiquait plus loin qu’il envoyait  « une préface sur les Châteaux en Italie qui ne serait éditée que l'année prochaine et le Conte de Noël. Je vous avais prévenu il n'est pas du tout orthodoxe [...] j'avais oublié de vous dire que ce texte pour Noël avait été publié il y a 7 ou 8 ans en revue. Donc ne soyez pas gêné si vous préférez me le retourner ». Cette nouvelle avait en effet paru dans Elle, le 23 décembre 1960. Elle fut reprise sous le titre Noël, dans l'édition posthume des Récits de la demi-brigade (Gallimard, 1972, in-8).

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