LE GENRE DU CONTE DE NOËL
Dans son essai consacré à La
Formation des légendes, paru en 1910, Arnold van Gennep (1873-1957) décrit le conte, « qui ne sert plus ni à
instruire, ni à moraliser, mais seulement à amuser ». Cet ethnologue et
folkloriste a consacré ses études à l’établissement du folklore comme
discipline scientifique. Il a ainsi laissé, malheureusement inachevée,une
histoire du Folklore français, en trois cycles (Bouquin, 1999). Le dernier
consacré aux Cérémonies périodiques, cycliques et saisonnières, contient celui
des Douze Jours : de Noël. Il s’y s'interroge sur les rites de fin et de début
d'année dans toute la France, à travers l’arbre de Noël, le réveillon des animaux, le fouettage des
filles ou le partage de la galette des
rois, etc. Il restitue les origines et la signification de ces rites.
Les contes servaient à alimenter
les veillées autour de l’âtre. Tout conteur était le bienvenu, davantage le
soir précédent Noël. Durant la période médiévale, les contes de Noël étaient
directement inspirés du Nouveau Testament. « L’Histoire Sainte était une fantastique source d’histoires que
nos aïeux reprenaient en brodant leurs versions, au fil des générations, à la
veillée », rapporte Sophie Lounguine, auteur de Fêtes de Noël et du Nouvel An,
autour du monde (Horay, 1995). En réalité, le conte de Noël ne devint un genre
littéraire qu’au XIX° siècle, notamment avec Charles Dickens qui publia en1843,
A Christmas Carol in Prose: Being a Ghost Story of Christmas, (Chapman &
Hall (in-8). Cet ouvrage illustré d’un
frontispice, 3 planches coloriées à la main et 4 bois gravés in-texte par John
Leech, connut un succès phénoménal. Depuis Dickens, journaux et
revues publièrent des contes de Noël, commandés à des écrivains, créant ainsi
un genre qui n’est pas près de s’éteindre. Dostoïevski composa un Noël russe,
très proche de La petite fille aux allumettes d’Andersen, et un autre, tout
aussi triste et terrible : L’Arbre de Noël et le Mariage publié en 1848. Souvenons-nous des réjouissantes Trois messes basses d’Alphonse
Daudet (1869) ou de la moqueuse
histoire Deux et deux font cinq d’Alphonse Allais (1895), voire le triste Noël
de Guerre par Jean de La Varende (1938). Ce dernier fut souvent
sollicité par les revues et journaux afin qu’il leur donne un conte de Noël.
Patrick Delon en a retrouvé une quinzaine écrits entre 1940 et 1961 qu’il a
publié sous le titre de Mes plus beaux
Noëls (Romana, 2010). Les anthologies de
contes de Noël se comptent par centaines.
Reste les contes qui n’ont pas été
écrits ou oubliés et que l’on peut
imaginer être encore meilleurs. Jean Giono (1895-1970) s’adressant à un
correspondant non identifié, évoquait des sujets d'articles à faire paraître,
des droits d'auteurs, de la longueur d'articles, etc. Et en avril 1964, l’écrivain
lui disait qu’il n’avait « hélas,
jamais rien écrit sur le 14 juillet ». Son programme de travail était trop
chargé pour qu’il puisse le faire. Dans une autre missive de la mi-novembre
1966, il se déclarait très souffrant depuis plus d'un mois : « Il me sera
impossible d'écrire un conte de Noël pour M. Amouroux, [alors rédacteur en chef
du quotidien Sud-Ouest] mais s'il en a besoin j'ai un conte de Noël intitulé
"La nuit du 24 décembre 1832", 25 pages dactylographiées [...] C'est
une nuit de Noël fort curieuse ». Giono
indiquait plus loin qu’il envoyait « une
préface sur les Châteaux en Italie qui ne serait éditée que l'année prochaine
et le Conte de Noël. Je vous avais prévenu il n'est pas du tout orthodoxe [...]
j'avais oublié de vous dire que ce texte pour Noël avait été publié il y a 7 ou
8 ans en revue. Donc ne soyez pas gêné si vous préférez me le retourner ».
Cette nouvelle avait en effet paru dans Elle, le 23 décembre 1960. Elle fut
reprise sous le titre Noël, dans l'édition posthume des Récits de la
demi-brigade (Gallimard, 1972, in-8).
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