vendredi 7 octobre 2011
DES LIAISONS TRÈS CONVOITÉES
Pierre-Antoine-François Choderlos de Laclos (1741-1803) était quasiment inconnu du monde des lettres. Il avait bien commis quelques vers publiés anonymement dans l’Almanach des muses et fait jouer des pièces qui ne connurent aucun succès. On lui doit aussi, L’Epître à Margot, un poème sur une femme de petite vertu qui progresse dans la société grâce à ses charmes. Ce texte écrit en 1774 circula à l’état de manuscrit et fit grand bruit à Paris. Alors capitaine de bombardiers, et en congé à Paris, Laclos voulait « faire un ouvrage qui sortît de la route ordinaire, qui fît du bruit, et qui retentît encore sur la terre quand j’y aurai passé ». Il y réussit. Lorsqu’il parut, le premier tirage de deux mille exemplaires se vendit en moins d’un mois. Le plus récent de l’édition originale et du premier tirage signé des seules initiales de l’auteur, dont le titre complet est Les Liaisons dangereuses, ou Lettres recueillies dans une société, & publiées pour l'instruction de quelques autres. (A Amsterdam ; et se trouve à Paris, chez Durand neveu, 1782. 4 tomes in-12), passé en vente, a été adjugé 31.000 €, à Paris le 25 juin 2009, par Christie’s. Il était relié en veau marbré d’époque. A Drouot, le 12 novembre 2007, la svv Alde, assistée par Dominique Courvoisier, en avait adjugé 7.000 €, un autre relié en maroquin citron orné par René Kieffer dans l’esprit de Thouvenin. Les bibliophiles se souviennent de celui très grand de marge (167 mm), relié en veau marbré orné, aux armes de la princesse de Ligne, adjugé l’équivalent de 64.000 €, à Drouot, le 7 juin 1990 par Me Tajan, lors de la dispersion de la bibliothèque de Jacques Guérin.
La bibliographie des « Liaisons » datées de 1782, est complexe. Max Brun l’a établie dans une étude publiée dans le n° 33 du Livre et l'estampe. Il a en effet recensé 16 éditions et contrefaçons pour l’année. Pour lui, la « B », c’est dire la deuxième est très rare. Les fautes mentionnées dans l'errata de la première impression y furent corrigées, mais l'imprimeur, dans la précipitation mêla parfois des cahiers de cette première impression à ceux de la nouvelle. Un exemplaire de cette « EO B » relié en 3 volumes in-12 en demi-basane moucheté (usagée) a été vendu 600 €, à Drouot, le 13 mai 2005 par la svv Beaussant Lefèvre. Nous avons vu passer chez la svv Binoche et Giquello, une contrefaçon parue également en 1782, mais à Neuchâtel, De l'imprimerie de la Société Typographique, en deux volumes, dans une reliure en basane marbrée. Ella a obtenu 700 €.
Il arrive que l’on rencontre des exemplaires composés avec des tomes provenant des différentes impressions. Ce fut le cas pour celui adjugé 600 €, à Drouot le 17 juin 2010 par la svv Audap-Mirabaud. Le tome premier était une édition originale « A », les trois autres postérieurs à la date de l'édition originale (mars 1782), le tout relié en deux volumes en veau marbré d’époque. Peu importait finalement pour les lecteurs, ces différences de publications. Comme le souligne dans sa passionnante préface à la réédition des Liaisons dans la collection de la Pléiade, Catriona Seth, « une réaction immédiate témoigne de la reconnaissance du public qui y voit un écrit exceptionnel, alors même que la plupart des journalistes reste silencieux. Tout le monde - ou presque – lit l’ouvrage, même si certains feignent pat décence de n’avoir fait que le parcourir ». La reine Marie-Antoinette eut entre les mains ce roman « dangereux, satanique, mauvais, noir, atroce, méchant, immoral, scandaleux, condamnable, terrible, infime, corrosif, pernicieux, mais aussi admirable, moral, intelligent, original, chaînant, spirituel, étonnant, plein d’intérêt, bien écrit, utile », comme on le décrivit en 1782. La BNF conserve son exemplaire à ses armes, certes, dans une reliure muette, ni nom d’auteur, ni titre n’y figurent. Il ne fut curieusement pas interdit à l’époque, ce fut le dix-neuvième siècle, en 1823, qui s’en chargea.
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