samedi 19 mai 2012



ALEXANDRE DUMAS DEPUIS CAPRI

 
              Ne le saurait-on pas, Alexandre Dumas fut un grand voyageur. Dès 1834, il publiait ses premières Impressions de voyages (Paris, Guyot, Charpentier et Dumont, 1834-1837, 5 volumes in-8). Le futur auteur des Trois mousquetaires ne cessa tout au long de sa vie de faire paraître, entre ses romans et ses pièces, la suite de ses impressions de voyage qui le conduisirent  en Europe, autour de la Méditerranée, en Russie et dans le Caucase, en Espagne et au Moyen-Orient. Toutes réunis, elles totalisent plus d’une trentaine de volumes. S’il connaissait la France à fond, l’Italie fut sans doute sa terre prédilection. Nous connaissons Une année à Florence (Paris, Dumont, 1841, 2 vol. in-8), qui relate sa découverte en 1835, de la « Cité des fleurs ». Naples sera en revanche pour lui à la fois source d’inspiration et pèlerinage. Son père, le général Alexandre  Dumas qui y fut emprisonné en 1799,  durant deux ans, vit sa santé se détériorer, sans doute à cause de tentatives d’empoisonnement. Un deuxième ouvrage, Le Speronare (Paris, Dumont, 1842, 4 volumes in-8) met la Sicile à l’honneur ; Le Capitaine Arena (paris, Dolin, 1842, 2 volumes in-8) retrace l'itinéraire de Dumas, du peintre Jadin et de son chien Milord de Palerme à Naples, par les îles Eoliennes et la Calabre et enfin Le Corricolo (Paris Dolin, 1843, 4 volumes in-8) relate la découverte de la capitale du Royaume des Deux-Siciles. Les textes
de ce dernier recueil d'impressions et d'anecdotes sortirent d'abord en feuilleton épisodes,  du 24 Juin 1842 au 17 janvier 1843,  dans le quotidien  « Le Siècle ».
              Il  conviendra désormais d’ajouter à cette série italienne et plus exactement napolitaine, un dernier volume intitulé Lettres de Capri (1). Claude Schopp qui s’est fait une spécialité de retrouver des inédits d’Alexandre Dumas a identifié six « lettres » publiées du 12 au 25 août 1836, dans La Presse, le tout nouveau quotidien fondé par Émile de Girardin. Cette « correspondance particulière » datée du mois précédent était supposée envoyée de Caprée, le nom antique de Capri. « Ces lettres, qui, après avoir dénoncé les vexations auxquelles le voyageur français est en butte dans les Etats pontificaux, tympanisant les turpitudes des Bourbons de Naples, sont imprimées sans nom d’auteur, dérogeant ainsi à la règle que s’était imposée le journal », précise Claude Schopp. Par un tour de passe-passe, une note précisait à la date du 18 août que ces lettres avaient été adressées à Alexandre Dumas chargé de les transmettre au journal.
              Nous suivons donc un auteur qui se fait appeler Edmond – tient comme Dantes ! – qui depuis Florence, en passant par Pérouse, rejoignit Rome. Celui-ci comme Alexandre Dumas, descendit à l’Hôtel de Londres, place d’Espagne, chez Pastrini : «  le 1er août, il quitte Rome pour Naples, voyageant désormais avec le passeport du peintre Guchard, élève résidant à la Villa Médias, car l’ambassadeur des Deux-Siciles à Rome, Costantino Ludolf, lui a obstinément refusé de viser le sien. Après un premier séjour à (3-23 août 1835), il s’embarque à bord du Santa Maria di Pie di Grotta pour une circumnavigation de la Sicile, dont la première relâche est Caprée, d’où sont envoyées les lettres non signées. » Elles se lisent d’une traite, un vrai régal. Alexandre Dumas ne montre par ailleurs, aucune complaisance vis-à-vis des souverains des Deux Siciles. Il en dresse des portraits charges, souvent féroces. Ce qui explique sans doute l’anonymat voulu par Dumas. Petit provincial, débarquant à Paris, il fut employé  comme bibliothécaire par Louis-Philippe, duc d’Orléans, or on parait mariage entre Marie d’Orléans et Ferdinand de Bourbon. L’écrivain ne voulut sans doute pas être taxé d’ingratitude, au pire de se fermer toute porte ouvrant sur le pouvoir.
              Alexandre Dumas retournera à Naples où il séjournera de 1861 à 1863. Après avoir apporté son aide à Garibaldi dans l’achat de fusils, il fut nommé directeur des fouilles à Pompéi.  Il fondera un journal L’independente qu’il revendit aussitôt tout en y collaborant. On considère  qu’il  écrivit alors l’équivalent de 3 000 pages. Celles-là ont été traduites par Jean-Paul Desprat avec le concours de Claude Schopp et dont un premier volume a été récemment édité  sous le titre Bourbons de Naples : Les Deux Révolutions : Paris 1789, Naples 1799 (2).  


                                     
(1) Lettres de Capri par Alexandre Dumas, Collection de l’Ecrivain voyageur, Ed. La Bibliothèque, 160 p. 3 ill. 14 €.
(2) Aux éditions Fayard, 2010
             

mercredi 9 mai 2012



"Ces Lettres de Venise sont le reflet de mes propres promenades. Elles ne sont pas rédigées comme des mémoires ; elles sont des lettres ouvertes que l’on peut lire comme adressées à la femme aimée ou à son enfant. Elles sont remplies d’images ramassées au cours de découvertes, de flâneries, de rêves aussi. Elles sont vraies comme les personnages qui y apparaissent et qui ressemblent à tous nos proches. Ils sont toutefois transformés parce qu’ils marchent dans les calli et se perdent entre les rii. " Il y a dans cette approche de Venise quelque chose de singulier, d’unique parce que l’auteur n’est ni Vénitien, ni vraiment esthète, ni touriste. Il aime la langue vénitienne qui n’est pas la sienne et fait de la cité sur l’eau une personne proche que l’on présente à ses amis, à sa famille, que l’on fréquente et qui marche à nos côtés parce qu’on marche beaucoup dans ces lettres. Il y a ici comme un plaisir de Venise du coin de la rue. Et c’est d’un étrange raffinement.

Collection L’Écrivain Voyageur, Ed. La Bibliothèque, 160 p. 15 ill. 14 €. 
les bibliophiles seront ravis de savoir qu'ils ont le choix entre deux couleurs de couverture.