mardi 21 avril 2015



L’ARMÉNIE ET LES HOSPITALIERS DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM




Lord Byron a contribué a faire connaître la culture arménienne. Mais sait-on qu’au début du quatorzième siècle, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dits les chevaliers de Rhodes portèrent secours à la Petite Arménie attaqués par les Mamelouks.

                        « Il n'existe pas d'endroit sur notre planète aussi chargé de merveilles que l'Arménie. Si amer qu'ait été son destin et quel que soit son avenir, ce pays doit être l'un des plus intéressants qui soient dans le monde », écrivit George Byron qui contribua à faire connaître la culture arménienne en Europe. Le poète avait découvert, lors de son séjour à Venise, les moines mekhitaristes sur l'île de San Lazzaro et à travers eux, la culture arménienne. Il apprit l'arménien et se passionna au point d'écrire une Grammaire anglaise et arménien puis une Grammaire arménienne et anglais, incluant des citations d'œuvres arméniennes modernes et classiques. Il travailla également à l'élaboration d'un dictionnaire anglais/arménien, rédigeant pour lui une préface sur l'histoire de l'oppression des Arméniens par les pachas turcs et les satrapes perses. Il traduisit également, entre autres, deux chapitres de l'Histoire de l'Arménie de Movses Khorenatsi ou Moïse de Khorène (410-490).  Cette histoire intègre les traditions orales de l’Arménie païenne, depuis ses origines jusqu'au Ve siècle.  Elle a valu à Moïse le titre de « père de l'histoire arménienne ».  Cet ouvrage a été imprimé en caractères arméniens, à Venise, en 1827 et orné de gravures hors-texte par Rizzard et Bozza.
                        L’Arménie est devenue chrétienne à partir de l’an 301. Celui qu’on appelait le royaume d’Arménie de Cilicie ou Petite Arménie, en opposition à l’Arménie proprement dite, installé au sud-est de l’Anatolie, fut fondé vers 1050, par des réfugiés arméniens fuyant l'invasion seldjoukie de leur pays. Ce royaume  convoité par les Perses et les Byzantins ne cessa d’être au cœur de luttes religieuses. L’arrivée des croisés dans la région lui permit d’être érigé en royaume vassal du Saint-Siège et de l’empire d’Allemagne, en 1198. Il faisait ainsi partie des royaumes latins d’Orient. Mais cinquante ans après la chute,  en 1291, de Saint-Jean d’Acre, il fut mis en difficulté par les « Sarrasins d’Égypte » (les Mamelouks). Le souverain de l’époque, Constantin V  - un Lusignan - lança un appel à l’aide aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, installés sur l’île de Rhodes depuis 1310. Leur grand-maître était alors Hélion de Villeneuve (1319-1346), mais ce dernier devait mourir peu après. Son successeur, Dieudonné de Gozon († 1353)  qui s’était distingué, alors qu’il était jeune chevalier,  pour avoir tué un dragon (en fait un énorme crocodile), s’élança malgré son grand âge, au secours du « royaume ami ». « Il équipa une flotte  fur laquelle il fit embarquer un corps considérable d’infanterie, avec un nombre des plus braves chevaliers », rapportent les chroniques de l’Ordre. « Ces troupes se joignirent  aux Arméniens, & bientôt on en vint aux mains avec les ennemis. Le combat fut long et opiniâtre », écrit Jacques Bosio, le premier historien de l’ordre  dans son Istoria della Sacra Relgione ed illustre milizia di S. Gio Gerosolimitano, (Rome, 1594-1602). « Les Sarrasins ne croyaient d’abord avoir affaire qu’aux Arméniens  qu’ils avaient battus plusieurs fois ; mais lorsqu’ils s’aperçurent de la présence des chevaliers de Rhodes, ils leur tournèrent le dos. » Bosio comme  J. Baudouin, dans l’Histoire des chevaliers de l’Ordre de S. jean de Jérusalem (Paris, 1659) et l’abbé de Vertot,  l’auteur de L’Histoire des chevaliers hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, appelez depuis chevaliers de Rhodes et aujourd’hui chevaliers de Malte  (Paris,  1726),  se sont accordés pour constater qu’il en (les Sarrasins)périt la meilleure partie dans la chaleur du combat ; les Chrétiens  prirent tout leur bagage, & les Chevaliers ne quittèrent l’Arménie qu’après en avoir entièrement chasé les Sarrasins.» C’est ainsi que Gozon prendra le nom de « protecteur de l’Arménie ».
                        Mais, en 1375, après la prise de la ville de Sis par les Mamelouks, le roi Léon VI de Lusignan, fut fait prisonnier. Les envahisseurs détruisirent le dernier noyau chrétien de la région. À partir de cette époque, d’interminables guerres bouleversèrent la région.
                                                              
                       

             
                       



jeudi 16 avril 2015

Conférence : De la bannière au drapeau



         



                           DE LA BANNIÈRE AU DRAPEAU
 Capitaine de frégate (R) Bertrand Galimard Flavigny

 
                        Je ne vous apprends rien, le drapeau national français est bleu blanc rouge. La plupart de ceux qui ont étudié les origines de ces couleurs nationales ont dû avouer la difficulté de l’entreprise. Dans son Dictionnaire de l’armée de Terre, paru en 1841, le général Bardin faisait remarquer, je cite,  que

« l’histoire des couleurs nationales est une question difficile à éclaircir parce que rien ne révèle que leur admission ou leur suppression ait tenu à un plan déterminé ».

Cette histoire est mêlée de légendes et de coïncidences qui ont conduit à des hypothèses. Un certain Marius Sépet composa ainsi un essai de trois cent dix-sept pages sur le drapeau français paru en 1873. Selon cet auteur la substitution du drapeau blanc au drapeau bleu s’est opérée par gradations successives.
Avant d’être doté d’un drapeau, nous avions des bannières.

La première était la chape de saint Martin.  Martin, évêque de Tours, fut le saint le plus populaire durant la période médiévale. Sa chape provenant de la moitié de son manteau partagée avec le pauvre d'Amiens, était conservée  dans l'oratoire de la maison du roi qui lui donna son nom: chapelle.
Lors des expéditions militaires, les rois emportaient avec eux cette chape, comme relique tutélaire.  À quel moment, la chape de saint Martin est-elle devenue la bannière des rois de France ? Aucun texte ne nous est parvenu sur le sujet.  Elle était destinée à protéger le monarque et, par conséquent l'accompagnait partout où il se trouvait. Elle devint ainsi et surtout un signe de ralliement visible par tous ceux qui appartenaient au même camp.

Nos souverains, à partir de Philippe Ier, vers 1160, se firent aussi précéder par l'oriflamme de saint Denis dont on assurait qu'elle possédait des dons surnaturels.
Il s'agissait semble-t-il d’une bannière rouge ou vermeille, supportée par un bâton doré, découpée à sa partie inférieure en deux ou trois pointes et parsemée d'étoiles ou de flammes d'or, d'où son nom, oriflamme. Le dernier porte-oriflamme, Guillaume Martel, sire de Bacqueville fut tué, en 1415 à la bataille d'Azaincourt. Cinquante ans plus tard, Louis XI se fit encore accompagner par l'oriflamme à Saint-Denis pour aller combattre les Bourguignons.
On sait moins que l'enseigne des rois de France portait la croix rouge sur fond blanc. Cet usage emprunté à Pierre Lhermite tire son origine des croisades. À l'inverse les rois d'Angleterre arboraient la croix blanche sur fond rouge.  Ces enseignes n’avaient alors aucune signification nationale.

Ces signes furent intervertis durant la guerre de Cent Ans. Les Bourguignons alliés des Anglais prirent la croix rouge de saint André, les Armagnac, représentant du parti national français, la croix blanche. Charles VII l'adopta définitivement et la fit traverser d'azur au semis de fleur de lys d'or des ducs de France. Ce grand étendard royal précédait encore, comme les gardes-francs de Charles VII, les gardes françaises de Louis XV, le premier régiment de France.

Entre temps l'héraldique avait été codifiée. Elle a trouvé ses sources dans ces bannières et les enseignes du Haut-Moyen-âge et repose sur de "saines conceptions de visibilité". La tapisserie de Bayeux tissée tout au début du XI° siècle, montre des boucliers  décorés et peints qui ne constituaient pas encore des armoiries. Comme les bannières (écu de forme rectangle dont le grand côté constitue la hauteur), ces signes peints sur les boucliers étaient faits pour être vus de loin sur les champs de bataille et plus tard dans les tournois. Ils marquaient  les différences de camps et évitaient que l'on se frappât dessus entre soi.

                                  
                                                     II
 À l’origine, donc dans la seconde moitié du XII° siècle,
le mot bannière était employé dans un sens générique regroupant les étoffes vexillaires, les gonfanons et les bannières proprement dites. Elles ont fourni les couleurs associées à  certaines compositions géométriques qui ont fourni les armoiries primitives. Mais les figures peintes sur les bannières différaient de celles reproduites sur les écus. Ces dernières étaient un emblème décoratif individuel ou familial correspondant à son goût et non pas à des considérations symboliques comme on l'a trop souvent écrit, tandis que les premières, les bannières,  étaient un emblème collectif de ralliement appartenant non pas à l'individu qui en fait usage, mais au fief dont il était le possesseur. Par ailleurs les émaux autrement dit les couleurs, répondaient à de simples questions de goût, mais aussi à celles de la fabrication chimique et des techniques de la peinture. Michel Pastoureau, l’un des meilleurs chercheurs en la matière,  a souligné que la rareté de l'azur (le bleu) dans les armoiries primitives devait être rapprochée de celle du bleu dans le costume. Ce n'est qu'à partir du règne de saint Louis que cette couleur commença en effet à teindre les vêtements d'apparat et à figurer sur les blasons.


Au fait qu’elle est le premier de tous les pavillons nationaux ? C’est une oriflamme rouge à croix latine blanche (d’argent). Cette bannière avait été approuvée en 1130, à la demande de Raymond du Puy, maître des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem par le pape Innocent II. Elle deviendra l’emblème de l’Ordre sur terre comme sur mer, et constitue le premier de tous les pavillons nationaux. Les chevaliers de cet Ordre, seuls, revêtaient pour la bataille, par-dessus leur cote d'armes, une soubreveste en forme de dalmatique écarlate meublée d'une croix latine de laine blanche. Cette soubreveste fut fixée par le grand-maître Hugues de Revel (1258-1277). Dans la mêlée, ces insignes étaient "comme un drapeau". Plus tard sur mer, on distinguait d’abord les navires de l'Ordre  par la bannière de gueule à croix blanche. D'une façon générale, il était admis par les princes chrétiens que l'étendard de la Religion – un surnom donné à l’Ordre - en mer devait toujours être salué le premier. Il est à noter que la croix à huit pointes, dite croix de Malte, est l’insigne d’appartenance à l’Ordre et non son emblème national que nous décrivions plus haut.
Nous avons vu que Charles VII adopta au début du XVe siècle, adopta définitivement la croix blanche et la fit traverser d'azur au semis de fleur de lys d'or des ducs de France. Ce fut le premier grand étendard royal. Il subsista jusqu’au xviiie siècle.
L'étendard blanc, la cornette de France, était, quant à elle, à l'origine,  l'insigne du colonel-général de la cavalerie. Il tenait son autorité du roi lui-même. Plus tard, au milieu du XVIII° siècle, tous les régiments d'infanterie ou de cavalerie possédèrent, outre leur propre drapeau, un étendard blanc. Chargé de l'écusson de France, il devint l'enseigne de la Maison du roi - colonel-général de toutes les armées - de l'état-major général et des troupes qui en faisaient partie.

Le blanc est un des signaux qui se distinguent le mieux. Louis XIV ne fit pas un caprice en associant voire en substituant la cornette blanche au penon de France pour signaler sa présence parmi ses troupes, mais parce que ce drapeau se distinguait de loin.

Par ailleurs, la plupart des pavillons de Marine étaient blancs chargés de l’écu des armes des royaumes auxquels appartenaient les vaisseaux. Sous Louis XIII, les bâtiments commerciaux français avaient en revanche interdiction d’arborer le pavillon blanc, « ils ne doivent porter qu’un pavillon bleu avec la croix blanche au milieu » c’est-à-dire la croix de France ou de saint Michel, disent les ordonnances de l’époque.
Le caractère particulier du pavillon blanc réservé aux vaisseaux des armées navales du roi cessera en 1765, lorsque les navires marchands français seront autorisés à le porter. Le pavillon blanc sera celui de la nation française en mer seulement durant vingt-cinq ans (1765-1790) jusqu’à ce que la Révolution le fasse modifier.

Après les désordres du 14 juillet 1789, fut formée La Garde nationale. « Le Comité permanent » de  Paris, une autorité de fait et non de droit, lui donna les couleurs bleu et rouge de la ville de Paris, portée depuis la période médiévale.
Le 17 juillet à l’Hôtel de Ville, le maire élu de Paris Jean-Sylvain Bailly,  présenta à Louis XVI, la cocarde nationale. On a raconté que le roi l’avait fixée à son chapeau. En fait, il l’aurait retenue sur son cœur avec son chapeau.
Un an plus tard, le 14 juillet 1790, lors de la Fête de la Fédération, les délégations des départements étaient conduites chacune par un drapeau blanc à cravate tricolore.

« Celles des forces armées, conduites par une oriflamme blanche, faisaient un contraste voulu avec la série multicolore à dominante bleu, blanc, rouge des drapeaux de la Garde nationale », rapporte l’historien Jean Ducros.

Il en a résulté un grand désordre. De plus en plus, à l’étranger, les navires français arboraient des pavillons « de fantaisie ». La Constituante  décida de soumettre à l’approbation du roi un changement de pavillon français. Il ne supprimait pas le drapeau blanc. Il devait remplacer les nombreux pavillons bleu et blanc de la marine marchande et le pavillon blanc des vaisseaux de guerre.
C'est le premier emblème national tricolore et pour la première fois dans l'histoire, tous les bâtiments d'un même pays, qu'ils soient marchands ou militaires arboraient un même pavillon national. Ce projet de pavillon national, décrété le 24 octobre 1790, prévoyaient que les trois couleurs s'inscrivent dans un cadre formé par une bande bleue continuée de rouge, lui-même inscrit dans le côté supérieur gauche d'un pavillon blanc.

Après la chute de la monarchie, la Convention nationale le 27 pluviôse an II (15 février 1794) institua un pavillon aux bandes bleu  blanc, rouge, « bleu au mât, blanc au centre, et rouge flottant », imaginé par le peintre Jacques-Louis David. Ce fut l'acte de naissance du pavillon national actuel. Il sera arboré sur tous les vaisseaux le 1er jour de prairial (20 mai 1794). Enfin pas par tous, puisque lors de la bataille d’Ouessant le  13 prairial An II ou mieux 1e juin 1794, seuls le Redoutable et la Montagne portaient le pavillon réglementaire. Tous les autres navires sans exception arboraient  encore le pavillon blanc à quartier tricolore.

Le pavillon tricolore, donc un pavillon de marine passa à terre pour remplacer les flammes tricolores sur les bâtiments publics, et on le vit sur les Tuileries lors de l'installation du Premier Consul le 19 février 1801. Cependant, les drapeaux et étendards des régiments présentèrent toutes les formes géométriques possibles, et en particulier en 1804 un carré blanc encadré aux coins par des triangles bleus et rouges opposés. En 1812 cependant, les trois bandes verticales devinrent officielles pour les drapeaux carrés militaires.

 La restauration rétablit le drapeau blanc portant les grandes armes de France. L'ère du drapeau national avait supplanté celle de la bannière sacrée.  Louis-Philippe, encore Lieutenant-général du royaume rétablit le drapeau tricolore par ordonnance du 1er août 1830.
Huit ans plus tard, la marine de guerre obtint pour des raisons pratiques de visibilité, que les bandes aient sur 100  des largeurs inégales 30 pour le bleu, 33 pour le blanc et 37 pour le rouge.
Un mot encore, La nuance des couleurs n’a jamais été précisée dans aucun texte. Cependant, à partir de juin 1976, la nuance du bleu en fut éclaircie afin de le rendre plus “lisible” ou plus “télégénique” tandis que le rouge devenait plus vif.

Vous m’avez entendu évoquer simultanément les termes pavillon et drapeau. Il convient de ne pas les confondre. Le premier est un terme de marine, est toujours frappé à une drisse ; un drapeau est fixé sur une hampe. Comme le drapeau des fusiliers marins, le premier qui ait été remis à une troupe de Marine, ceci depuis le 11 janvier 1915, après la bataille de Dixmude dont nous commémorons le centenaire.


                                                      III

Il convient de nous replacer dans le contexte du début de la Première Guerre mondiale. Quelques jours après le début des hostilités, constatant qu’un certain nombre de marins étaient inemployés, l’État-major décida de constituer une nouvelle brigade de fusiliers marins. Cette brigade était plutôt disparate ; elle était composée de 6 500 hommes âgés de 16 à 50 ans,  dont seulement quelques-uns brevetés fusiliers. Ils étaient tous coiffés du bonnet bleu marine à houppette (le pompon) ce qui les fit surnommer par les Parisiens : « les Demoiselles de la Marine ».

Le   commandement de cette brigade fut confié au contre-amiral Pierre-Alexis Ronarc’h. À peine âgé de 49 ans, et, alors,  le plus jeune officier général de la Marine, il insufflera à ses hommes, un esprit de résistance hors du commun. Ces hommes durent faire face, quelques semaines plus tard, aux côtés de 5 000 Belges et 1 200 tirailleurs sénégalais, à 40 000 Allemands dans ce que l’on appellera la bataille de Dixmude en Belgique.

Après la bataille de la Marne, remportée le 12 septembre 1914, les Allemands tentèrent de contourner les armées françaises par les Flandres. Ce fut « la course à la mer » afin de bloquer au plus vite ce contournement. La brigade de fusiliers marins gagna la Belgique, se battit les 9, 10 et 11 octobre devant Gand pour permettre aux troupes belges d’évacuer Anvers prise par les Allemands, puis se rendit à Dixmude qu’elle atteignit le 15 octobre. Cette ville était considérée comme un carrefour stratégique de routes, voies ferrées et canaux de l’Yser. C’est là, le long de ce fleuve que les Allemands tenteront une percée entre Nieuport et Dixmude. Nous n’allons pas ici, vous raconter le déroulement de cette bataille qui dura du 16 octobre au 10 novembre et fut acharnée.

Mais sachons que le général Foch, alors commandant en chef adjoint de la zone nord, avait adressé ses ordres à l’amiral Ronarc’h en ces termes : « Dans les circonstances où nous sommes, la tactique que vous avez à pratiquer ne comporte pas d’idée de manœuvre, mais simplement et au plus haut point, l’idée de résister où vous êtes ».

Ronarc’h avait demandé à ses hommes de tenir quatre jours, ils auront résisté trois semaines ! Mais à quel prix : 2000 hommes tués, blessés ou disparus. Les Sénégalais ne revinrent que 500, les Belges, 200 et les fusiliers marins 500. Les Allemands furent stoppés ; Dixmude marqua le basculement d’une guerre de mouvement, à une guerre de positions.

Un tel exploit méritait un drapeau. Ce fut le capitaine de vaisseau Julien Viaud, plus connu sous le nom de Pierre Loti, qui le réclama dans un article paru dans L’Illustration du 12 décembre 1914. Jusque là, les troupes de marine n’avaient pas de drapeau, les bâtiments disposaient de pavillons. Le ministre de la Marine de l’époque, Jean-Victor Augagneur signa un arrêté attribuant un drapeau aux formations de marins qui interviennent à terre.

Ce drapeau se distingue de ceux de l’armée de Terre, par les ancres de marine inscrites dans les couronnes d’angles du tablier et de la cravate. On peut y lire sur son avers : « République française, Régiment de marins » et sur son revers : « Honneur et patrie », ainsi que « Dixmude 1914 ». Depuis ont été ajoutés dans ses plis les noms de nombreuses batailles dans lesquelles les marins ont combattu (1). Le drapeau des fusiliers marins est aujourd’hui le troisième drapeau le plus décoré de l’armée française, notamment de la Légion d’honneur, de la Croix de la Libération et de la Médaille militaire. Il est confié à l’école des fusiliers marins à Lorient.

Chef d’État-major de la Marine, en 1919, le vice-amiral Ronarc’h quitta le service actif en 1920 et mourut à Paris en 1940.
Il devait écrire dans ses souvenirs : « la Marine doit se tenir toujours prête à aider l’armée, soit en Europe, soit ailleurs, et non pas seulement par des moyens maritimes, mais en lui fournissant au besoin, à terre, des troupes solides, bien encadrées, et bien au fait de la guerre moderne. »
Ajoutons en citant le capitaine de vaisseau Sébastien Houël, commandant de l’école des fusiliers marins que « le drapeau est le symbole de cohésion de la troupe, de la gloire et du sacrifice des marins de toutes origines ».

                                                                                  BGF


(1)   Dixmude 1914 – Yser : 1914-1915 – Longewaede 1917 – Hailles 1918 – Moulin de Laffaux 1918 -  Bir Hakeim 1942 – Garigliano 1944 – Montefascione 1944 – Toulon 1944 – Vosges 1944 – L’Ill 1945.