mardi 14 février 2012
DE L’ÉDUCATION DES FILLES
L’éducation des filles a été – est toujours – la grande préoccupation des moralistes. Sans revenir sur la Bible ou le Coran, nous pouvons nous arrêter au Livre pour l'enseignement de ses filles de Geoffroi de La Tour Landry (vers 1330- vers 1406) qui connut un succès certain jusqu’au XVe siècle. Ce manuel était destiné à « inculquer aux demoiselles nobles les principes de vertu, de bienséance et de piété à observer avant et après le mariage ». L’édition princeps de cet ouvrage dont on connaît une vingtaine de manuscrits, a été publiée en 1514 à Paris par Guillaume Eustace. Plus tard, l’Espagnol Jean Louis Vivès (1492-1540) un humaniste juif converti au catholicisme, devenu professeur à l’université de Louvain puis à Oxford, étudia l’organisation de la société et composa [en latin] De l'institution de la femme chrétienne (Anvers, 1524, in-4). Il fut traduit en français par P. de Changy, sous le titre : Livre très-bon, plaisant, salutaire, de l’institution de la femme chrestienne, aussi de l’office de mary (Paris, Jacques Kerver, 1543, in-8). Ce traité connut un succès considérable dans toute l’Europe et influença durablement l’éducation des femmes. Vivès recommandait finalement une vie simple reposant sur trois principes élémentaires : « se rendre agréable à son mari par ses charmes et sa conversation ; l'aider dans le gouvernement des affaires domestiques ; savoir élever chrétiennement ses enfants. » (1)
On cite encore, dans ce domaine le Traité de l'éducation des filles de Fénelon- François de Salignac de La Mothe (1651-1715) - composé en 1681 à la demande de la duchesse de Beauvilliers, et destiné à ses filles. Cet ouvrage valut à Fénelon d'être nommé précepteur des enfants de la famille royale. Un exemplaire de l’édition originale (Paris, Pierre Aubouin, Pierre Emery, Charles Clousier, 1687. In-12) relié à l’époque en plein veau orné a été adjugé 600 €, à Drouot, le 17 février 2010 par la svv Binoche Giquello assistée par Dominique Courvoisier. Entre temps un certain Jean-Baptiste de Glen (1552-1611) qui devait devenir provincial des pères augustin à Paris et semble-t-il aux Pays-Bas, s’intéressa lui aussi à l’éducation des jeunes filles avec un traité dont le titre, finalement n’est guère alléchant : Du debvoir des filles. Traicte brief, et fort utile, divise en deux parties : la premiere est, de la dignite de la femme, de ses bons deportemens, et debvoirs ; des bonnes parties & qualités requises aux filles, qui tendent au mariage. L’autre traicte de la virginité, de son excellence, des perfections necessaires à celles, qui en font profession, des moyens de la conserver ; & de plusieurs autres choses, qui se verront plus à plein au sommaire des chapitres... Item plusieurs patrons d'ouvrages, pour toutes sortes de lingerie… Nous avons vu un exemplaire d’une édition originale relié en cartonnage bradel moderne, (A Liege, Chez Jean de Glen, 1597, in-8) sur le stand des libraires d’ancien à la Brafa dans les rayonnages d’Eric Speeckaert de Bruxelles. Cet ouvrage publié par le frère de l’auteur mais imprimé par Henri Hovius, est orné de 20 planches (il en manquait une ) à pleine page dans le texte. Ces illustrations sont sur fond noir et représentent des modèles de broderies.
Divisé en deux parties, le traité prodigue des recommandations pour garder les filles dans le droit chemin, préconisant la chasteté et conseillant de les retenir au foyer en les occupant à des travaux domestiques, notamment la broderie. La virginité semble bien importante à ce religieux qui donne des conseils pour la défendre vaillamment : « La chasteté est une place assiégée et qui a des ennemies dedans et dehors : au dedans est la chair, vray cloasque de toute ordure, fournaise ardente de toute concuspicence, vray maquerelle, ingénieuse ouvrière de toutes souillures et turpitudes ; laquelle seule livre à la chasteté plus d'assauts et dresse une plus furieuse batterie que tous les autres ennemies ensemble ».
L’ouvrage est dédié à « madame Anne de Croy, marquise de Renty ». Sa maison est qualifiée d'« escolle de vertu » où « tant de filles font leur apprentissage en pudicité & honneur ». J.B de Glen devait reprendre ses idées en composant une somme qui fit sa renommée : l’Oeconomie chrestienne, « contenant les règles de bien vivre, tant pour les gens mariés qu’à marier, pour nourrir et élever les enfants, fils, filles, etc. » (Liège, 1608, petit-in-8). Le bibliographe Brunet estime que cet « ouvrage est singulier et d’un style des plus naïfs ».
(1) Les éditions de l’Harmattan ont réédité cet ouvrage dans la traduction de Changy, adapté, introduit et annoté par Bernard Jolibert, 250 p. 24 €.
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