HERO ET LÉANDRE, LES
FIANCÉS D’ABYDOS
Non loin
de la rive asiatique, dans le Bosphore, se dresse sur une petite île, une
tour nommée Kız Kulesi (Tour de
la Fille). Elle semble avoir toujours été là. On rapporte qu’elle fut
construite au Ve siècle av.J.-C. par Alcibiade, puis transformée en
forteresse par l’empereur Comnène au XIIe siècle, restaurée par les
Ottomans aux XVIe et XVIIIe siècles et enfin plus récemment avant
d’abriter désormais un restaurant panoramique qui permet de contempler Constantinople.
Certains l’appellent aussi la « Tour Léandre » et de nombreuses légendes courent sur elle, notamment
celle de Hero et Léandre racontée vers
14 ou 15 av.J.-C. par Ovide, dans l’une des épîtres des Heroïdes, ce recueil de 21 lettres adressées à dix-huit femmes
illustres ou mythiques à leurs amants.
Hero
était l’une des suivantes d’Aphrodite à Sestos, sur la rive européenne, tandis
que Léandre demeurait à Abydos sur la rive asiatique. Pour rejoindre sa Belle,
le jeune homme traversait chaque nuit à la nage l’Hellespont, guidé par la
lueur d’un flambeau tenu par la jeune fille. Par une nuit d’orage, la flamme
soufflée par le vent s’éteignit, Léandre perdit sa route et se noya. Hero
trouva son corps sans vie sur la grève
et, désespérée se jeta du haut de la tour. L’édition princeps des Œuvres d’Ovide a été imprimée à Rome en
1471 et à Bologne la même année. Les bibliographes ne les ont pas encore
distinguées. Celles-là ne comportent pas les Heroïdes.
Il existe en revanche une édition de
l’ Heroidum liber, sans doute
le premier essai des presses établies au Piémont par Johannem Glim, ne
mentionnant ni date, ni lieu, qui serait datée de 1473 et sans doute l’édition
princeps de ces épîtres. Les éditions de ce texte se sont succédées en grand
nombre, un peu moins d’une vingtaine, jusque dans la première moitié du
dix-neuvième siècle. La première traduction dans notre langue a été réalisée
par J.-R. de Boisgelin de Cucé (1732-1804) qui fut archevêque d’Aix puis de
Tours (Philadelphie, 1786, in-8) et contenant juxtaposé le texte latin.
La
seconde traduction intéresse davantage les bibliophiles surtout grâce aux huit
estampes en couleurs dessinées et gravées Philibert -Louis Debucourt
(1755-1832), « le plus extraordinaire peintre-graveur en couleurs qu'il y ait
jamais eu », disait de lui François Courboin (1865-1926) qui fut directeur du
Cabinet des estampes à la Bibliothèque nationale. Cette traduction est due au
chevalier de Quérelles de Goustimesnil qui la publia anonymement. Elle se
décrit ainsi : Héro et Léandre,
« poëme nouveau en trois chants, traduit du grec, sur un manuscrit trouvé
à Castro, auquel on a joint des notes historiques (Paris, Pierre Didot l'aîné,
1801, in-4).
L’histoire de Léandre et Hero a inspiré
également un certain nombre de peintres et notamment Rubens, Pierre-Claude
François Delorme, Théodore Chassériau,
Jean-Joseph Taillasson, Cy Twombly, Louis-Marie Baader, et encore Marty qui a
donné 125 illustrations pour une édition traduite par Edmond Haraucourt (le
Livre Contemporain, 1930, in-8). Reste, non un livre ni une illustration, mais
un geste suivi d’un poème (la fiancée
d’Abydos), celui de lord Byron qui, le 3 mai 1810, suivant Léandre traversa à la nage l’Hellespont entre d’Abydos
à Sestos. Cela lui prit une heure et dix minutes.
On peut voir
« La Tour de Léandre » dans The World Is Not Enough (Le monde ne suffit
pas), le 19° James Bond de 1999.
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