dimanche 18 décembre 2011

UN CANTIQUE DE NOËL PEUT EN CACHER UN AUTRE



Chanter Noël ! Quoi de plus naturel en cette période de l’année. Les Anglais excellent en cela grâce, notamment aux chorales de Cambridge, les Anglo-Saxons poussent plus loin la chansonnette et c’est un plaisir de les entendre autour de l’arbre décoré dans Downtown. Les chants composés autour de la date choisie de la naissance du Christ, sont apparus vers le IXe siècle. Cela alla même plus loin, car trois siècles plus tard, on mit en scène sur le parvis des églises, cette naissance avec des personnages costumés à l’instar des comédies musicales d’aujourd’hui. Puis, le temps passant, les noëls traditionnels devinrent peu à peu dépourvu de sens religieux. Ils furent peu à peu diffusés grâce à l’imprimerie. Justement, l’un des plus fameux sortit des presses en 1520 à Paris les Noëls de feu maître Lucas le Moigne, en son vivant curé de Saint-George du Pui la Garde, au diocèse de Poitou. Selon les musicologies, cet ecclésiastique utilisa les airs de 36 chansons déjà connues. Mais attention, un cantique peut en cacher un autre. Les noëls de Jean Daniel, dit maître Mitou, chapelain et organiste, publiés pour la première fois à Lyon, au cours du XVIe siècle, et souvent réimprimés, ne sont aucunement religieux, ni par le caractère familier et bouffon de ses textes, ni par la musique à laquelle ils s'adaptaient, qui était, selon leur titre « le chant de plusieurs belles chansons ». Il y avait tromperie sur le sens liturgique. Nicolas Denisot (1515-1559), un bel esprit du temps qui aimait aussi la peinture, entreprit de ramener la gravité dans les noëls. Il fit paraître au Mans [sans date] et à Paris chez la veuve Maurice de La Porte, en 1553, sous l'anagramme de son nom, le Conte d'Alsinois, les Cantiques du premier aduenement de Iesu-Christ, contenant treize chants avec la musique des airs imprimés dans le texte. De son côté, à peu près à la même époque, Nicolas Martin, « clerc de branche » à Saint-Jean de Maurienne publia à Lyon en 1555, des « noëls et chansons tant en vulgaire Françoys que Savoysiens dict Patois ». Martin et Denisot, on s’en doute, ne furent pas le seul à compiler voire composer des noëls. « Il n'y est pas fait place, ou rarement, à la prière. Ce sont des chansons de réveillons, non d'église », disent les dictionnaires musicaux. La recette était simple. On prenait des chansons populaires déjà connues sur lesquelles on mettait des paroles de son cru et on les appelait « noëls nouveaux ». Chacun se souvient de « Sur le pont d’Avignon J’ai ouï chanter la belle » ; connaît-on le cantique de noël calqué sur ces paroles : « Sur le Mont de Syon J’ai su bonne nouvelle » ? La chanson au joli titre : « Une jeune fillette/De noble cœur », qui raconte l’histoire d’une jeune fille mise au couvent contre son gré, est ainsi devenue « Une jeune pucelle De noble cœur », qui narre désormais l’histoire de la Vierge Marie ? Les danses elles-mêmes furent mises à la contribution de Noël. La plus familière car on ne s’en doute pas est « le Branle de l’Official » qui est devenu un « Carol » anglais sous le nom de Ding Dong Merrily on High. Tant en Angleterre, qu’en Nouvelle Angleterre et en Nouvelle France, dans les pays du Nord, ce chant retentit, sans que l’on s’en lasse, dans les foyers, les magasins, les rues, les églises…
L’abbé Joseph-Simon Pellegrin (1663-1745), d’abord religieux servite et aumônier de la marine, excella dans cet exercice d’adaptation. Proche de Mme de Maintenon, il put être sécularisé, ce qui lui permit d’ouvrir une boutique de madrigaux et épigrammes à caractère religieux, qu’il vendait pour toutes occasions ! Type du prêtre-crotté, il écrivait aussi pour le théâtre, afin d’arrondir ses fins de mois. Toujours est-il que ce librettiste a modifié voire modernisé plusieurs textes anciens parvenus jusqu’à nous. Le vaudeville Prends ma Philis, prends ton verre se chante désormais, grâce à lui : Cher Enfant qui vient de naître. L’abbé fit paraître la première fois en 1722, ses Noëls nouveaux sur les chants des Noëls anciens, notés pour en faciliter le chant, mais sans musique. Ce qui peut s’expliquer, car les lecteurs devaient s’en souvenir. Une nouvelle édition, datée de 1728 à 1735, fut imprimée pour Nicolas le Clerc toujours sans musique et comprenant sept recueils de noëls nouveaux et poésies spirituelles. Parmi elles, le Venez divin Messie issu de Laissez paître vos bêtes.

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