ALEXANDRE DUMAS
DEPUIS CAPRI
Ne le
saurait-on pas, Alexandre Dumas fut un grand voyageur. Dès 1834, il publiait
ses premières Impressions de voyages
(Paris, Guyot, Charpentier et Dumont, 1834-1837, 5 volumes in-8). Le futur auteur des Trois mousquetaires
ne cessa tout au long de sa vie de faire paraître, entre ses romans et ses
pièces, la suite de ses impressions de voyage qui le conduisirent en Europe, autour de la Méditerranée, en
Russie et dans le Caucase, en Espagne et au Moyen-Orient. Toutes réunis, elles
totalisent plus d’une trentaine de volumes. S’il connaissait la France à fond,
l’Italie fut sans doute sa terre prédilection. Nous connaissons Une année à Florence (Paris,
Dumont, 1841, 2 vol. in-8), qui relate sa découverte en 1835, de la « Cité
des fleurs ». Naples sera en revanche pour lui à la fois source
d’inspiration et pèlerinage. Son père, le général Alexandre Dumas qui y fut emprisonné en 1799, durant deux ans, vit sa santé se détériorer, sans
doute à cause de tentatives d’empoisonnement. Un deuxième ouvrage, Le Speronare (Paris, Dumont, 1842, 4
volumes in-8) met la Sicile à l’honneur ; Le Capitaine Arena (paris, Dolin, 1842, 2 volumes in-8) retrace
l'itinéraire de Dumas, du peintre Jadin et de son chien Milord de Palerme à Naples,
par les îles Eoliennes et la Calabre et enfin Le Corricolo (Paris Dolin, 1843, 4 volumes in-8) relate la découverte de la capitale du Royaume
des Deux-Siciles. Les textes
de ce dernier recueil d'impressions et d'anecdotes sortirent
d'abord en feuilleton épisodes, du 24
Juin 1842 au 17 janvier 1843, dans le
quotidien « Le Siècle ».
Il conviendra désormais d’ajouter à cette série
italienne et plus exactement napolitaine, un dernier volume intitulé Lettres de Capri (1). Claude Schopp qui
s’est fait une spécialité de retrouver des inédits d’Alexandre Dumas a
identifié six « lettres » publiées du 12 au 25 août 1836, dans La Presse, le tout nouveau quotidien
fondé par Émile de Girardin. Cette « correspondance particulière » datée du
mois précédent était supposée envoyée de Caprée, le nom antique de Capri.
« Ces lettres, qui, après avoir dénoncé les vexations auxquelles le
voyageur français est en butte dans les Etats pontificaux, tympanisant les
turpitudes des Bourbons de Naples, sont imprimées sans nom d’auteur, dérogeant
ainsi à la règle que s’était imposée le journal », précise Claude Schopp. Par
un tour de passe-passe, une note précisait à la date du 18 août que ces lettres
avaient été adressées à Alexandre Dumas chargé de les transmettre au journal.
Nous
suivons donc un auteur qui se fait appeler Edmond – tient comme Dantes ! –
qui depuis Florence, en passant par Pérouse, rejoignit Rome. Celui-ci comme
Alexandre Dumas, descendit à l’Hôtel de Londres, place d’Espagne, chez
Pastrini : « le 1er août, il quitte Rome pour Naples, voyageant
désormais avec le passeport du peintre Guchard, élève résidant à la Villa
Médias, car l’ambassadeur des Deux-Siciles à Rome, Costantino Ludolf, lui a
obstinément refusé de viser le sien. Après un premier séjour à (3-23 août
1835), il s’embarque à bord du Santa
Maria di Pie di Grotta pour une circumnavigation de la Sicile, dont la
première relâche est Caprée, d’où sont envoyées les lettres non signées. »
Elles se lisent d’une traite, un vrai régal. Alexandre Dumas ne montre par
ailleurs, aucune complaisance vis-à-vis des souverains des Deux Siciles. Il en
dresse des portraits charges, souvent féroces. Ce qui explique sans doute
l’anonymat voulu par Dumas. Petit provincial, débarquant à Paris, il fut
employé comme bibliothécaire par
Louis-Philippe, duc d’Orléans, or on parait mariage entre Marie d’Orléans et
Ferdinand de Bourbon. L’écrivain ne voulut sans doute pas être taxé
d’ingratitude, au pire de se fermer toute porte ouvrant sur le pouvoir.
Alexandre
Dumas retournera à Naples où il séjournera de 1861 à 1863. Après avoir apporté
son aide à Garibaldi dans l’achat de fusils, il fut nommé directeur des
fouilles à Pompéi. Il fondera un journal
L’independente qu’il revendit
aussitôt tout en y collaborant. On considère qu’il écrivit alors l’équivalent de 3 000
pages. Celles-là ont été traduites par Jean-Paul Desprat avec le concours de
Claude Schopp et dont un premier volume a été récemment édité sous le titre Bourbons de Naples : Les
Deux Révolutions : Paris 1789, Naples 1799 (2).
(1) Lettres de
Capri par Alexandre Dumas, Collection
de l’Ecrivain voyageur, Ed. La Bibliothèque, 160 p. 3 ill. 14 €.
(2) Aux éditions Fayard, 2010
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