dimanche 26 août 2012


UN CUISINIER FRANÇAIS, ENFIN



                        Comment réaliser le hachis de champignons épicés «à la Duxelles» ? Sans entrer dans le détail d’une préparation culinaire, il suffit de savoir qu’il s’agit d'un hachis de champignons, d'oignons et d'échalotes étuvé au beurre formant une base de farce.  Quant au terme Duxelles, il indique que les dits champignons sont hachés menus en tout petits cubes. Si l’on veut en savoir plus, il suffit d’ouvrir l’ouvrage de La Varenne, Le Cuisinier françois paru la première fois en 1651.  Un exemplaire de ce que l’on pourrait considérer comme étant la troisième édition (Paris, Pierre David, 1652. petit in-8), car  parue un an après l'originale, et la même année que la deuxième qui elle, est en partie originale car augmentée du Traité de confitures seiches & liquides, & autres delicatesses de bouche, a été adjugée 3.500 €, à Drouot, le 13 avril 2012 par la svv Beaussant Lefèvre, assistée par Alain Nicolas. Cet exemplaire est relié en parchemin semi-rigide, certes un peu salie, mais cela indique que l’ouvrage a servi.
                        François Pierre (1618-1678) fut l’un des officiers de Bouche  d’une des plus célèbres tables de son temps. Il adopta le surnom de la Varenne déjà porté par un cuisinier d'Henri IV.  Louis Chalon Du Blé, marquis d'Uxelles (1619-1658)  et gouverneur de Chalon-sur-Saône qui fut un des négociateurs de la paix d'Utrecht, l’avait pris à son service. On se pressait à sa table et c’est là que l’on s’extasiait sur ce fameux  hachis de champignons épicés «à la Duxelles». Se fondant sur sa devise « santé, modération, raffinement », La Varenne modernisa la cuisine. Son « Cuisinier français » et « Le Pâtissier français connurent un succès considérable et furent souvent réédités. On a répertorié 69 éditions au total sous l'Ancien Régime (de la première en 1651 à la dernière en 1754), sans compter les contrefaçons et  les «  suites » signées sous son nom.  Il fut aussi  le premier livre culinaire français traduit en langue étrangère, en anglais, en 1653. La Varenne n’en profita guère et mourut pauvre, à l’âge de soixante ans, à Dijon, après avoir quitté le service de la veuve du marquis d’Uxelles, tué en 1658, au siège de Gravelines. « Il fut un des premiers cuisiniers français à s’intéresser aux légumes, méprisés avant lui, et à donner des recettes originales pour « les accommoder avec honneur et contentement » dit de lui Cécile Éluard-Valette dans les grandes heures de la cuisine française (Libraires associés, 1964). De son côté Gérard Oberlé, l’auteur des Fastes de Bacchus et de Comus  (Belfond, 1989) affirme qu’ « Un livre entier ne suffirait pas pour analyser les recettes de La Varenne, et détailler toutes les subtilités de ses truffes en ragoust, de ses œufs à la huguenotte ou de ses asperges fricassées… »
                        Ce  « Cuisinier français » a encore avoir été le premier nouvel ouvrage culinaire à être publié en un siècle. On ne se  contentait en effet que de réimprimer les mêmes traités de gastronomie depuis 1545. Il n’en sortit plus un seul à partir de 1620. Comme le souligne, l’expert Alain Nicolas, «  Le cuisinier françois inaugure la formule éditoriale moderne du livre du cuisine. Il se distingue de tous ses prédécesseurs par la clarté de sa disposition : elle suit l'ordre des services du repas (potages, entrées, rôtis et entremets) répété trois fois en fonction des préceptes religieux (jours gras, jours maigres habituels, jours maigres du temps de carême). La Varenne insère par ailleurs des éléments nouveaux qui tendent à une organisation rationnelle du livre de cuisine : numérotation des recettes (environ sept cents en tout), répertoires en tête de chaque service, tables annexes. ». Il n’hésitait pas à parler au besoin à la première personne, donnant ainsi une nouvelle image du cuisinier qui s’affirmait également comme un auteur. Il a véritablement jeté les fondements d'un nouveau canon du goût. Il a innové, par exemple, avec les bisques et ragoûts apparus au début du dix-septième siècle, ainsi que  des plats, comme les poissons « au bleu », le bœuf « à la mode », les œufs « au miroir » ou  à la neige »...  que nous goûtons toujours. Il fut également le premier à exploiter plus franchement la saveur propre des aliments, en modérant notamment l'usage des épices pour leur préférer l'emploi d'herbes du jardin regroupées en un bouquet aromatique ».  
                         



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