samedi 6 janvier 2018










Les aventures d’un bibliophile
LES CAUSES DE CONSCIENCE









              « Nos prêtres ont droit à nos respects, parce qu'au milieu des agitations de la terre, ils nous rappellent que notre existence a un but plus élevé, parce qu'ils nous avertissent, sans cesse, de devoirs les plus sublimes. Mais quand eux-mêmes sacrifient aux intrigues du monde, quand ils enfreignent nos lois pénales, ils n'ont droit à aucune exception.... », notait en débutant la préface à son essai un certain M. Godefroid. Cet essai indique bien son sujet : « Causes célèbres intéressantes et peu connues, concernant les ecclésiastiques et les matières religieuses » (Paris, au bureau des causes célèbres, rue de l’Arbre-sec, 1828, in-16). Ce volume d’un petit format, de 339 pages pourrait laisser croire au regard des Causes célèbres recueillies par François Gayot de Pitaval (1673-1743), réunies en dix-huit volumes parus entre 1734 et 1741, puis reprises et complétées en vingt-deux volumes publiés entre 1772 et 1788, par François Richer (1718-1790), que les ecclésiastiques étaient – et le sont certainement encore – très sages. Ce petit volume m’est arrivé dans les mains grâce à une bibliothèque familiale héritée, je le soupçonne, d’un oncle…ecclésiastique.
              Ce bon abbé agita-t-il l’eau des bénitiers de son église en parcourant les histoires relatées par M. Godefroid dont nous ne sommes pas parvenus à retrouver la trace ? Il en est une qui concerne une captation de testament, une autre d’interruption de culte, un refus de sépulture, une indignité et même un mariage. Nous avons relevé huit attentats aux mœurs. L’un d’eux concernait la fille du sacristain qui rendait visite toutes les nuits au curé. Le maire mis au courant de l’affaire fit son rapport au sous-préfet. « Le résultat fut une destitution, rapporte M Godefroid.  Quels en étaient les motifs: il avait commis un attentat à la morale publique, et une violation de domicile. Celui qui publie un scandale inconnu est plus coupable que celui qui le commet, surtout quand une telle conduite a lieu à l'égard d'en ministre de notre sainte religion ». Voilà de quoi suggérer un sujet de plaidoirie à la Conférence du barreau. Pour excuse, la jeune fille fit savoir qu’elle agissait ainsi, afin de préserver l’emploi de son père.
              Nous pourrions puiser d’autres sujets dans un autre ouvrage, hérité également de la même bibliothèque que nous citions plus haut. Il s’agit du Dictionnaire des cas de conscience, « décidés suivant les principes de la morale, les usages de la discipline ecclésiastique, l’autorité des conciles et des canonistes et la jurisprudence du royaume », imprimé à Paris, en 1733, en deux grands volumes, par Jean-Baptiste Coignard. Ils s’achèvent par une considération sur l’ivresse. Il relève plus de trois cents cas concernant les petits et grands faits quotidiens autant que spirituels. Si la « bonne foi » n’a donné lieu qu’à un seul examen, le « mariage » a provoqué cent trente-cinq réponses et les « notaires », dix-sept. On recense soixante-douze cas de conscience autour des religieuses et le double pour les religieux. Nous pensions que les premières étaient plus nombreuses que les premiers. Apparemment, ces dames en religion étaient plus sages que ces messieurs.  Les juges, l’usure, les bénéfices, les enfants, la folie, l’habit, le jeu, la pollution (à propos du glanage), tout y passe. 
              Les auteurs, Adrien de Bussy de Lamet (1621-1690) et Germain Fromageau (+ 1705), « docteurs de la Maison & Société de Sorbonne », étaient tous deux considérés comme parmi les casuistes les plus habiles de leur temps. Les cas de conscience leur étaient envoyés de toute part  par des évêques, des chapitres, des curés, des religieux, des princes, des magistrats et des personnes de toutes conditions, apprend-on dans la préface rédigée par le P. Fabre, de l’Oratoire. Leurs réponses s’étaient avérées très utiles. C’est la raison pour laquelle, deux autres abbés, les P. J.-Cl. Fabre et Cl.-P. Goujet les mirent en ordre sous forme de dictionnaire et les publièrent. Une première édition imprimée dans un plus petit format, en 1714, donna un échantillon des Résolutions de plusieurs cas de conscience…La « collection » de 1733 qui suivit donc,  vint enfin «…dissiper les nuages & les ténèbres de tous ces subterfuges dans lesquels se retranche l’amour propre ».     
                           





                      

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