Les aventures d’un bibliophile
ANDERSEN 1856
Les boîtes des bouquinistes qui
s’alignent sur les rebords des quais de
la Seine recèlent, c’est vrai, encore des trésors, à condition d’éviter celles
qui proposent des tours Eiffel en souvenirs
et de fâcheuses pacotilles destinées aux touristes. Il y a un certain
temps, flânant non loin du Pont Louis-Philippe, mon œil fut attiré par un
volume relié en demi-basane rouge, sur le dos duquel je lus : Contes d’Andersen. Aussitôt ma mémoire
fit surgir La petite Sirène, La petite
fille et les allumettes, Le vilain petit
canard, La Princesse sur un petit pois et tant d’autres histoires.
L’ouvrage avait été édité par la librairie Hachette en 1856 ; les contes
étaient traduits du danois par D[avid] Soldi, avec une notice biographique par
X[avier] Marmier, et ornés de 40 vignettes
de Bertall. Faisant un rapide calcul, et me souvenant que l’édition originale
des Contes datait de la fin des années 1840, il n’était pas impossible que je
fusse en présence de la première édition en français. Le prix demandé tait très
raisonnable. Je filai enchanté, mon trésor sous le bras
Vérification faite, il s’agissait
de la sixième édition en français, nous étions loin de la rareté, mais
celle-là, est considérée comme la meilleure traduction parue du vivant de
l’auteur. Elle comprend vingt-cinq contes. Soldi, d’origine danoise, vivait à
Paris ; Marmier avait donné, en 1837 à La
Revue de Paris, la première biographie d’Andersen. Quant à Bertall, il a
aussi illustré les romans de la comtesse de Ségur. Cette édition comporte une
particularité, dans la table des matières,
Les Habits Neufs de l’Empereur y
sont devenus ceux du Grand-Duc. Pas
question, en 1856, de mettre en scène un empereur stupide !
Hans Christian Andersen
(1805-1875), a laissé six romans, une trentaine de pièces de théâtre, plus de
300 poèmes, plusieurs récits de voyages originaux, trois essais
autobiographiques – ce qui montre bien qu’il était égocentrique - sans oublier
une abondante correspondance et dix volumes de Journal intime. Il a fait trente
voyages ce qui représente dix années de sa vie ! Et les contes ? Il en a écrit
au total cent cinquante-six. Ceux-là
parurent en fascicules à partir de 1835 jusqu’en 1872. L’auteur, dès 1837, en
réunit six, en un premier volume comprenant une soixantaine de pages. Cette
véritable édition originale fut imprimée à Copenhague, par C. A. Reitzel
Forlag, sous le titre, en danois, Eventyr,
fortalte for Børn, autrement dit : « contes racontés aux enfants ». La
seconde édition des Nye Eventyr (nouveaux contes) date de 1843-45, chez le même éditeur,
et comporte cinq fascicules en deux volumes. Le sous-titre « raconté aux
enfants » a disparu, mais on peut y lire Nattergalen
(Le Rossignol) et Den gimme Ælling
(Le vilain petit canard). Nous l’oublions toujours, Andersen était déjà, à cette époque, un auteur à succès. Il faut
comprendre que la douzaine de contes que nous connaissons et qui sont
continuellement réédités, dissimule une œuvre importante.
« Quand j’étais enfant, mon plus
grand plaisir était d’écouter des contes, un bon nombre d’entre eux sont encore
très présents à ma mémoire, et certains de ceux-là sont peu connus ou pas
connus du tout. Je les ai rapportés ici, et, si je constate qu’on leur réserve
un bon accueil, j’en traiterai plusieurs autres de la même manière, et, un
jour, je publierai un cycle de contes populaires danois », devait écrire
Andersen dans un volume de poèmes publié en 1830 et qui comportait un texte en
prose, intitulé : Le mort, un conte
populaire de Fionie.
Les Français connurent donc les contes grâce à deux publications
datées de 1848. La première chez Belin-Leprieur et Morizot, comporte 12
lithographies hors texte sur fond chamois par Derancourt. Sa traduction signée
Caralp, en fait l’homme de lettres Belge, Charles Rahlenbeck, a été réalisée
d’après la plus mauvaise traduction allemande. L’autre signée C… dont ignore
toujours ce que dissimule cette initiale, est sensiblement meilleure. L’année
1853 vit trois éditions françaises des contes, dont celle de chez Mame, à
Tours, sous le titre Contes Danois, illustrée par deux lithographies de Joseph Lemercier. La plus précieuse demeure
pour moi, celle de 1856.
L’édition
intégrale des contes d’Andersen par P.G. La Chesnay, a été publiée au Mercure
de France, en 1954, en 4 volumes.
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