MERCI À INNOCENT VIII
QUI INSTITUA LA CENSURE
À Athènes, l’Aréopage fit brûler les ouvrages de
Protagoras (Ve siècle av. J.-C.) parce qu’il exprimait des doutes sur
l’existence des dieux. La censure fait, curieusement, partie de la pensée et réjouit les
bibliophiles. C’est elle qui entretient la rareté de certains exemplaires
d’ouvrages condamnés au bûcher. De là, à rendre hommage au pape Innocent VIII
(1432-1484-1492) et à son successeur Alexandre VI, dont on se souvient qu’il
était un Borgia (1431-1492-1503) pour avoir été les premiers à instituer un
système de censure à tous les ouvrages non seulement théologiques, il est un pas
que nous ne franchirons pas. Le principe de l’autorisation préalable à toute
impression fut confirmé par la promulgation en 1487, de la Bulle Inter
multiplices » limitées aux villes de
Cologne, Trèves, Mayence et Magdebourg. Quatre ans plus tard, le légat
pontifical Nicolo Franco demanda au conseil de Venise de faire brûler un
ouvrage d’Antonio Roselli (1381-1466), critiquant le pouvoir du pape : Monarchie sive de potestate imperatoris et
papæ publié en 1487. C’est le premier ouvrage à faire l’objet d’une
pareille mesure… En 1501, Alexandre VI confirmait promulguait la Bulle Inter multiplices en défendant aux imprimeurs d’imprimer un ouvrage sans
l’avoir soumis à l’archevêché, sous peine d’excommunication et d’amende. Son
successeur Léon X, par sa Bulle Inter sollicitudines (14 mai 1515),
étendait cette mesure à toute l’Europe. L’Église se méfiait de cette nouvelle
invention, l’imprimerie, qui pourrait
diffuser des hérésies.
Face à la diffusion
massive par le livre des idées intellectuelles et religieuses de la Réforme
protestante, les universités et les autorités ecclésiastiques catholiques
décidèrent de publier dans les années 1540 des catalogues de livres prohibés.
Le tout premier d'entre eux fut celui de la faculté de théologie de Paris, imprimé en 1544, il donnait une liste de 230
volumes. Cet Index français fut réédité
à plusieurs reprises en 1545, 1547, 1549, 1551 et 1556, avec l'ajout de
nouvelles listes de titres condamnés par
les docteurs de la Sorbonne. Il devint le modèle de référence de ceux publiés
par l'université de Louvain (1546), le Portugal (1547), Venise (1549), et
l'Inquisition espagnole (1551).
Un exemplaire du Catalogue des livres examinez &
censurez, par la Faculté de Theologie de l'Université de Paris: suyvant l'Edict
du Roy, Publié en la Court de Parlement, le troisiesme iour de Septembre, M. D.
LI. On les vend à Paris par Jehan Dallier, 1551. In-8, relié à l’époque en vélin
souple, a été adjugé 38.100 €, à Drouot le mercredi 1er juin 2016
par la SVV Binoche & Giquello, lors de la dispersion de la bibliothèque du
libraire jean Viardot. Il s'agit de l'une des trois éditions imprimées en 1551.
Les deux autres ont été données à Toulouse par Claude Sanson, et à Paris, à
l'adresse de Jean André. Cette nouvelle version de l'Index de Paris a été
imprimée quelques mois après l'Édit de Châteaubriant, promulgué le 27 juin de
la même année par Henri II pour renforcer les mesures contre les protestants.
« Ce catalogue,
explique l’expert Dominique Courvoisier, est une refonte des catalogues
existants. Il contient près de deux fois plus de titres que celui de 1544, et
47 supplémentaires par rapport à la version de 1549. On y trouve deux listes de
215 livres en latin et 192 en français, classés par ordre alphabétique d'auteurs. »
Parmi ceux-ci, nous trouvons des bibles de Robert Estienne, des écrits de
Martin Bucer (6), Jean Calvin (25), Luther (35), Melanchthon (16), Zwingle (7),
Étienne Dolet (8), etc. Les humanistes ne sont pas épargnés non plus puisqu'on retrouve plusieurs textes de Lefèvre
d'Étaples et d'Érasme. On note encore la présence du Tiers livre de Pantagruel (1545). À ces listes s'ajoutent les
défenses approuvées par la faculté de Paris contre les traductions protestantes
de la Bible et contre les ouvrages du prédicateur siennois Bernardino Ochino
(1487-1564), vicaire général de l’ordre des Capucins.
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