jeudi 20 octobre 2011

L’APPARITION DES CORPORATIONS



Durant la période médiévale, les métiers se réunirent en confréries qui s’organisèrent en corporations. Ce terme qui ne sera généralisé qu’au début du XVIe siècle vient du latin médiéval corporari, former un corps. L’association produite par la réunion des ouvriers exerçant le même métier s’appelait en effet le métier, le corps de métier ou le commun du métier. Ce mouvement apparut dès le XIe siècle pour se généraliser au XIIIe siècle. On trouve, néanmoins la trace d’un regroupement des boulangers, dès le début du VIIe siècle. Une charte de 1134 évoque les « antiques étaux » des bouchers de Paris. Les statuts des chandeliers de Paris datent de 1061. Toutes les corporations « étaient moins occupées de se développer que de prévenir la concurrence », explique un auteur ancien. Etienne Boileau, prévôt des marchands en 1254, obtint des corporations que chacune établît ses droits en les faisant enregistrer. Cela prit quatre années et il en sortit une Livre des métiers. Seuls les bouchers refusèrent de s’y inscrire. Ce registre n’est plus connu que par des copies. Les cent un métiers mentionnés comprennent ceux de l’alimentation, de l’habillement, de la sellerie, de l’armement ; du bâtiment et du bois, des ustensiles domestiques, des chirurgiens, des étuveurs et des métiers d’art et de luxe : orfèvres, patenôtriers, cristalliers ou pierriers batteurs, imagiers (sculpteurs et peintres)…
Parmi eux, figurait naturellement la corporation des gantiers qui, elle, est datée de 1190. La période des croisades apporta le goût des fragrances en Europe, on importa, notamment depuis Venise, des peaux odoriférantes destinées à la confection de vêtement et surtout de gants.
Ce fut un engouement sans nom, les eaux parfumées furent déposées partout sur tous les objets de la vie quotidienne. Mais qui donc vendait les parfums ? Les gantiers bien sûr, mais également les merciers. Ces deux corps de métiers de disputèrent le privilège de la vente des parfums. Aussi, en 1594, un édit défendit aux deux antagonistes de s’intituler parfumeurs, tout en les autorisant toutefois de parfumer leur marchandise. Finalement, en 1614, des lettres patentes octroyèrent aux gantiers seuls, le nom de parfumeur d’où la dénomination de « parfumeurs-gantiers ». ce qui fut confirmé en 1656 ; à condition que les membres de cette nouvelle corporation ne vendent dans leur échoppe que les produits qu’ils fabriquaient eux-mêmes.
L’apprentissage d’un métier était une des principales préoccupations du Livre des métiers, véritable recueil de statut des métiers. Le régime corporatif étant rigoureux, l’ouvrier libre et indépendant n’existait pas. De son patron, l’homme de travail allait hiérarchiquement aux jurés de la corporation, puis au prévôt de Paris et aux grands officiers de la couronne, maîtres et protecteurs de certains métiers.
Toute cette organisation devait voler en éclat sous le coup de la Révolution. Voulant supprimer toutes les anciennes entraves, les Constituants, dont la théorie du libéralisme économique ne reconnaissait que l'individu, décidèrent de supprimer les corporations de maîtres et les coalitions de compagnons pour donner la libre accession au patronat pour tous. Naturellement, la loi Allarde du 2 mars 1791 conçue maladroitement sous le coup d’une idéologie, créait en même temps un vide juridique dans lequel s’engouffrèrent les compagnons et apprentis pour s'organiser face à la crise économique qui commençait à faire rage. La multiplication des assignats entraînait, notamment une forte hausse des prix. Les grèves se firent de plus en plus nombreuses à Paris durant ce printemps. Libérés de la tutelle des corporations de maîtres, les compagnons et apprentis créèrent des coalitions ouvrières, dont quelques-unes comme celle des compagnons charpentiers qui tentèrent d'imposer un tarif aux patrons. La bourgeoisie constituante réagit aussitôt. L'avocat rennais, député du tiers état, Isaac Le Chapelier, fit voter, le 14 juin 1791, une loi qui portera son nom. L'homme qui présida l'assemblée la nuit du 4 août, interdit toute association entre personnes d'un même métier et toute coalition ouvrière. Maîtres et compagnons ne pouvaient nommer de présidents, secrétaires ou syndics et "prendre des arrêtés sur leurs prétendus intérêts communs". En clair, grèves et syndicats étaient prohibés; la liberté du travail l'emportait sur la liberté d'association.


Cela me fait songer que bon nombre de "job" sont à portée de main, même à l'étranger. Il suffit de se rendre sur www.jooble.org et de voir le monde s'ouvrir clef en main.

lundi 17 octobre 2011

LES CHASSES DE M. DE BONNEFONS



Monsieur de Bonnefons, Nicolas de son prénom, était issu d’une famille du Languedoc les Dupin de Bonnefons, à ne pas confondre avec les Sarrazin de Bonnefons qui eux, venait d’Auvergne. De bonne noblesse, il avait acquis la charge de valet de chambre du roi Louis XIV ; mais propriétaire rural, il faisait davantage commerce d'arbres et de graines. On le connaissait, à son époque, surtout, grâce à un ouvrage intitulé Le jardinier françois, qui enseigne à cultiver les Arbres, et Herbes Potagères ; Avec la manière de conserver les Fruicts, et faire toutes sortes de Confitures, Conserves, et Massepans, paru pour la première fois en 1651. Il avait pris le soin de dédier son ouvrage aux dames, car il songeait que c’était davantage celles-ci qui, dans les maisons, menaient le train de la cuisine. Il avait raison ; son traité, considéré comme le plus populaire des manuels de jardinage du dix-septième siècle, fut réédité avec, à chaque fois un certain nombre de modifications.
La cinquième édition, celle d’Amsterdam, chez Jean Blaeu, (1654, (petit in-12), est la plus connue et la plus recherchée avec la première. Un exemplaire relié à l’époque en veau marbré, le dos orné, a été adjugé 400 €, à Drouot, le 16 juin 2010 par la svv Alde. A la fois livre de jardinage et livre de cuisine, cet ouvrage évoque d’abord les arbres fruitiers et leur culture, puis les fruits et légumes, et enfin des recettes pour la conservation des fruits, les confitures sèches et liquides, etc. Cette édition est illustrée de 4 figures gravées sur cuivre à pleine page, dont un titre-frontispice. Elles sont non signées, mais reprennent les gravures de François Chauveau qui ornent l'édition originale de 1651.
On trouve une suite au « Jardinier français » de Bonnefons, sous le titre Les Délices de la Campagne, suite du Jardinier françois, où est enseigné à préparer l’usage de la vie, tout ce qui croist sur la terre et dans les eaux. Dédié aux dames menageres. (Cinquiesme édition augmentée par Paris, Théodore Girard [Guillaume de Luynes, Loyson, ou Jean Cochart] 1673, in-12). C’est dans cette édition que parut pour la première fois Le Traité des chasses de Nicolas de Bonnefons qui y a été ajouté. Il n’existe qu’une seule édition parue séparément, sans nom d’auteur, avec une pagination particulière sur 59 pages, et pour titre spécial complet. Traité des chasses, de la vénerie et fauconnerie. Où est exactement enseignée la méthode de connoître les bons chiens, la chasse du cerf, du sanglier, du lièvre, du daim, du chevreuil, du connil, du loup, etc. (Paris, Charles de Sercy, 1681.petit in-8°). Ce petit volume ornée de 4 gravures sur bois, l'une à pleine page montrant une ramure de cerf et 3 autres dans le texte, montrant les différentes fumées des cerfs, est considéré comme fort rare. Un exemplaire sous cartonnage moucheté, exécuté au dix-huitième siècle, a été vendu 1.181 €, à Drouot, le 30 juin 2011 par la svv Aguttes, assistée par Edgard Laval.
Bonnefons a repris Les Délices de la Campagne dans une nouvelle édition augmentée en 1679 (P. Ch. De Sercy, in-12). Cinq ans plus tard paraissait encore le même ouvrage, mais cette fois en trois volumes, le dernier étant consacré à la Manière de cultiver les arbres fruitiers, les instructions pour les arbres fruitiers et suivi par le Traité des chasses. L’auteur de cette dernière partie était en fait un certain Legendre, curé d’Hénouville. Selon J Thiébaud, auteur de la Bibliographie des ouvrages français sur la chasse (le Vexin français, 1974), Legendre serait le pseudonyme de Robert Arnaud d’Andilly (1589-1674) conseiller d’Etat, littérateur de talent et l’un des « Solitaires de Port-Royal », également connu pour sa passion pour l’arboriculture.
Nous n’en avons pas fini avec les publications du traité de la chasse de Bonnefons. Louis Ligier (1658-1717) s’en empara à son tour pour le placer à la suite des compilations qu’il fit du Jardinier français et des Délices de la campagne (P. Michel David, 1710) suivi par trois éditions à peu près semblables jusqu’en 1745.

vendredi 7 octobre 2011

DES LIAISONS TRÈS CONVOITÉES




Pierre-Antoine-François Choderlos de Laclos (1741-1803) était quasiment inconnu du monde des lettres. Il avait bien commis quelques vers publiés anonymement dans l’Almanach des muses et fait jouer des pièces qui ne connurent aucun succès. On lui doit aussi, L’Epître à Margot, un poème sur une femme de petite vertu qui progresse dans la société grâce à ses charmes. Ce texte écrit en 1774 circula à l’état de manuscrit et fit grand bruit à Paris. Alors capitaine de bombardiers, et en congé à Paris, Laclos voulait « faire un ouvrage qui sortît de la route ordinaire, qui fît du bruit, et qui retentît encore sur la terre quand j’y aurai passé ». Il y réussit. Lorsqu’il parut, le premier tirage de deux mille exemplaires se vendit en moins d’un mois. Le plus récent de l’édition originale et du premier tirage signé des seules initiales de l’auteur, dont le titre complet est Les Liaisons dangereuses, ou Lettres recueillies dans une société, & publiées pour l'instruction de quelques autres. (A Amsterdam ; et se trouve à Paris, chez Durand neveu, 1782. 4 tomes in-12), passé en vente, a été adjugé 31.000 €, à Paris le 25 juin 2009, par Christie’s. Il était relié en veau marbré d’époque. A Drouot, le 12 novembre 2007, la svv Alde, assistée par Dominique Courvoisier, en avait adjugé 7.000 €, un autre relié en maroquin citron orné par René Kieffer dans l’esprit de Thouvenin. Les bibliophiles se souviennent de celui très grand de marge (167 mm), relié en veau marbré orné, aux armes de la princesse de Ligne, adjugé l’équivalent de 64.000 €, à Drouot, le 7 juin 1990 par Me Tajan, lors de la dispersion de la bibliothèque de Jacques Guérin.
La bibliographie des « Liaisons » datées de 1782, est complexe. Max Brun l’a établie dans une étude publiée dans le n° 33 du Livre et l'estampe. Il a en effet recensé 16 éditions et contrefaçons pour l’année. Pour lui, la « B », c’est dire la deuxième est très rare. Les fautes mentionnées dans l'errata de la première impression y furent corrigées, mais l'imprimeur, dans la précipitation mêla parfois des cahiers de cette première impression à ceux de la nouvelle. Un exemplaire de cette « EO B » relié en 3 volumes in-12 en demi-basane moucheté (usagée) a été vendu 600 €, à Drouot, le 13 mai 2005 par la svv Beaussant Lefèvre. Nous avons vu passer chez la svv Binoche et Giquello, une contrefaçon parue également en 1782, mais à Neuchâtel, De l'imprimerie de la Société Typographique, en deux volumes, dans une reliure en basane marbrée. Ella a obtenu 700 €.
Il arrive que l’on rencontre des exemplaires composés avec des tomes provenant des différentes impressions. Ce fut le cas pour celui adjugé 600 €, à Drouot le 17 juin 2010 par la svv Audap-Mirabaud. Le tome premier était une édition originale « A », les trois autres postérieurs à la date de l'édition originale (mars 1782), le tout relié en deux volumes en veau marbré d’époque. Peu importait finalement pour les lecteurs, ces différences de publications. Comme le souligne dans sa passionnante préface à la réédition des Liaisons dans la collection de la Pléiade, Catriona Seth, « une réaction immédiate témoigne de la reconnaissance du public qui y voit un écrit exceptionnel, alors même que la plupart des journalistes reste silencieux. Tout le monde - ou presque – lit l’ouvrage, même si certains feignent pat décence de n’avoir fait que le parcourir ». La reine Marie-Antoinette eut entre les mains ce roman « dangereux, satanique, mauvais, noir, atroce, méchant, immoral, scandaleux, condamnable, terrible, infime, corrosif, pernicieux, mais aussi admirable, moral, intelligent, original, chaînant, spirituel, étonnant, plein d’intérêt, bien écrit, utile », comme on le décrivit en 1782. La BNF conserve son exemplaire à ses armes, certes, dans une reliure muette, ni nom d’auteur, ni titre n’y figurent. Il ne fut curieusement pas interdit à l’époque, ce fut le dix-neuvième siècle, en 1823, qui s’en chargea.

UN CURIEUX MANUEL DE GALANTARIS

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Si les chroniques, les blogs et parfois les catalogues évoquent des ouvrages « introuvables », nul, à ma connaissance, n’a réalisé une bibliographie d’albae merulae. Plus séduisants encore sont les ouvrages qui n’existent pas, mais qui laissent croire qu’ils existeraient tout de même ou qu’ils devraient forcément exister. Où donc est passé, par exemple, l’édition originale des Fleurs du mal (Alençon, Poulet-Malassis, 1857, in-12) avec un envoi de la main de Charles Baudelaire à Jeanne Duval et d’un portrait de la jeune femme nue, également dessiné à l’encre par l’auteur sur l’une des pages de garde ? Songeant à ces ouvrages inconnus quelques lettrés ont réalisé des catalogues de livres imaginaires. Le premier du genre fut la bibliothèque de Saint-Victor dans Pantagruel. Plus près de nous furent les catalogues de ventes non moins imaginaires, de véritables facéties bibliophiles. Apollinaire cite dans Le Flâneur des deux rives (la Sirène, 1918), le « Catalogue des livres de la bibliothèque de M. ED. C., qui seront vendus le 1er avril prochain à la Salle des Bons-Enfants. » On y lisait par exemple : « ABEILARD. Incomplet, coupé./ ALEXIS (P.). Celles qu’on n’épouse pas. Nombr. taches./ ARISTOPHANE. Les Grenouilles. Papier du Marais./ AURIAC. Théâtre de la foire. Papier pot./ BALZAC (H. DE). La Peau de chagrin. Rel. id./ BEAUMONT (A.). Le Beau Colonel. Parf. état de conservation./ BOREL (PETRUS). Madame Putiphar. Se vend sous le manteau. » Ce « poulet » était sorti, vers 1910, de l’imagination savoureuse d’Edmond Cuénoud, « qui était gérant d’immeubles à Montparnasse, et consacrait ses loisirs à la bibliophilie. » Sa plaquette illustrée par Carlègle est devenue totalement introuvable (1). Plus fort encore fut le « Catalogue d’une très-riche mais peu nombreuse collection de livres provenant de la bibliothèque de feu Mr. le Comte J.-N.-A. de Fortsas, dont la vente se fera à Binche, le 10 août 1840, à onze heures du matin, en l’étude et par le ministère de Me. Mourlon, Notaire, rue de l’Eglise, no.9. Mons ». La parution de ce catalogue mit en émoi tout le monde de la bibliophilie de l’époque. « Tout alla bien jusqu’au jour indiqué pour la vente. Alors seulement on reconnut que M. de Fortsas, pas plus que sa bibliothèque n’avait jamais existé que dans l’imagination de M. René Chalon, bibliophile érudit autant que mystificateur ingénieux. » Vincent Puente a rapporté l’histoire de cette bibliothèque fantôme dans un savoureux petit livre complété par le fac-simile dudit catalogue (2).
Le même Vincent Puente à qui on doit également « le catalogue d’une bibliothèque d’occasion, Dix ans de chine (3) vient de sortir une Anatomie du faux (4) titre éponyme de l’un des chapitres qui ne peut qu’intéresser les bibliophiles. L’auteur, avec un sérieux imperturbable, rapporte avoir découvert à Naples, un exemplaire du fameux Manuel de bibliophilie de Christian Galantaris qu’il possède et consulte souvent (5). « C’est l’aspect inattendu de l’exemplaire proposé qui m’a poussé à le consulter puis à l’acheter. En lieu et place des deux tomes sous coffret rouge foncé de l’édition originale, cette édition se compose d’un seul et massif volume sous couverture toilée grise… ». L’auteur rapporte ce volume à Paris et le compare à son édition originale. Il constate « de flagrantes différences » et « les plus extravagantes variantes ». Avec un grand souci professionnel Vincent Puente poursuit l’examen de cette curieuse édition du « Manuel de Galantaris » et livre les récits de ces dissemblances et nouveautés. Nous ne songeons pas un instant au roman ou à la fable. Si nous ne connaissions pas Vincent Puente nous serions prêts à croire la véracité de ses propos. Est-il vraiment dans le faux ? Selon Christian Galantaris lui-même, le « Faux » [est une] Imitation plus ou moins réussie d’un original, délibérément exécutée pour tromper. Le faux est assez peu répandu dans le domaine du livre… » Voire, on ne se méfie jamais assez des bibliophiles.

Légende : « Une curieuse couverture pour un manuel très connu » © Vincent Puente


(1) La librairie Giraud-Badin en a tiré un fac-simile, à quelques exemplaires, il y a quelques années.
(2) Ed. des Cendres, 2005.
(3) Orbis pictos club, 2008.
(4) Les Billets de La Bibliothèque, 112 p.12 €.
(5) Ed. des Cendres, 1997.

lundi 25 avril 2011

LE COQ MARIN/ L'ISF au service des Politiques

L’impôt sur les grandes fortunes, l’ISF est exemplaire. Se souvient-on qu’il fût inventé par les socialistes qui avaient mis l’accent sur le terme solidarité ? Sait-on que ISF se traduit en réalité par Impôt de solidarité sur la fortune, ce qui, évidemment grammaticalement ne veut rien dire. En matière de politique, le respect de la langue française n’est pas une priorité. Quoiqu’il en soit cet impôt-là brandi comme un épouvantail a permis à bon nombre de Français qui auraient pu participer à l’élan économique de la France, de connaître les charmes des pays voisins qui ont compris depuis longtemps que la solidarité ne passait pas par la spoliation des uns pour théoriquement remplir les poches des autres. Le mythe de Robin des Bois et de Cartouche, perdure. Sur le papier, l’idée pouvait paraître bonne, ce fut une catastrophe. Tous les pays qui s’étaient laissés séduire par elle, ont abandonné cet impôt confiscatoire et anti-productif. La France finit par, elle aussi, le supprimer. Las, la droite au pouvoir perdit les élections et la gauche triomphante rétablit cet impôt en insistant encore sur l’idée selon laquelle en prenant aux riches on donnait aux pauvres. Nous connaissons le résultat de cette idéologie : Le trésor public perd chaque année une quinzaine de milliards de recettes par an pour un rapport ridicule d’ 1,5 milliard, soit moins que ses coûts de gestion. Du coup les gouvernements successifs aménagent comme ils le peuvent la fiscalité pour tenter d’endiguer l’hémorragie. Chaque initiative est saluée par l’opposition de gauche comme une atteinte à la solidarité.
Malgré toutes les études, une fois de plus les hommes politiques de droite ont renoncé à supprimer l’ISF, même s’il devrait être allégé. Non pas parce qu’ils veulent enrichir les pauvres et se donner les moyens de répartir les richesses, mais parce qu’ils ont peur de perdre les élections. Perdre les élections ! Ne plus être un élu, ne plus être au pouvoir ! Voilà le nœud de l’affaire. L’ISF est en effet exemplaire. Sa pérennité apporte la preuve que les hommes politiques quelles que soient leur idéologie ne sont nullement préoccupés par le bien public mais par le leur. Car si ces gens-là écoutaient les économistes, et même les citoyens, je veux dire ceux qui font fi des idéologies et qui contribuent à tous les niveaux, par leur travail à la bonne marche de l’économie française pour le bien de tous, il y a beau temps qu’ils auraient supprimé cet ISF.
Nous ne nous faisons pas d’illusion, les élections sont proches, l’ISF a en effet de beaux jours devant lui, avec ou sans bouclier.
13 avril 2011

* Je ne suis pas assujetti à cet impôt, je rêve simplement à une France dépourvue de mauvaise foi.

jeudi 21 avril 2011

TINTIN AVAIT UN GRAND ONCLE (II)



Tintin au Congo le deuxième album d’Hergé dont la bonhommie colonialiste a fait grincer quelques dents blanches, n’est pas raciste. La justice belge a tranché, il y a tout juste un mois. Il reste que pour les « droitlhommistes », cet ouvrage n’est pas politiquement correct et fait l’objet de leur vindicte. Les biens pensants vont pouvoir pousser des cris d’orfraie au prochain Salon International du livre ancien. Ses organisateurs, autrement dit le SLAM, le Syndicat de la librairie ancienne et moderne, ont choisi, cette année, comme thème à son exposition : le Politiquement correct ? Avec toutefois un point d’interrogation, car « le conformisme d’hier ne ressemble guère à celui d’aujourd’hui « (1). Nous espérons qu’un exemplaire de l’édition originale de Tintin au Congo sera présenté par l’un ou l’autre librairie. Ne serait-ce que pour le comparer avec les Aventure de Narcisse Nicaise au Congo (Paris, Charavay, Mantoux et Martin, librairie d'éducation de la jeunesse, s.d. [1890] 245 p. In-8) par Armand Dubarry, illustré par des pleines pages en noir de Kauffmann. Valentine del Moral de la librairie Villa Browna qui en proposera un exemplaire indique que lorsqu’on prend la peine de lire attentivement le mélange de narrations picaresques, de fourvoiements zoologiques, clichés impérialistes et gags pré-cinématographiques de cet ouvrage, la comparaison avec Tintin au Congo devient évidente.
« Énumérons, dit-elle : Narcisse et Pierrot tout comme Tintin et Milou partagent la même cabine de bateau. Le héros tire un coup de fusil à bout portant dans la gueule d’un crocodile comme le fera Tintin. Pierrot se jette dans la gueule d’un boa constrictor qui doit se chauffer du même bois que celui qui avale Milou en 1930. Ils en réchapperont tous les deux, Milou en créant le premier serpent à pattes de la Création. En deux coups de fusil de Narcisse, cinq oiseaux tombent ce qui visuellement, n’est pas sans rappeler le carnage des gazelles de Tintin. Nicaise et Tintin blessent chacun à leur tour un éléphant qui devenu forcené déclenche une cascade de rebondissements. Nicaise se retrouve à cheval sur le dos d’un rhinocéros. Tintin en même position, chevauche un buffle furibard. Pierrot est élevé avec son maître au rang de fétiche comme le sera Milou dans l’album, qui snobera le temps de quelques cases son maitre bien aimé. » Il est bien naturel que les auteurs s’inspirent d’autres écrits et nourrissent leur imaginaire. Quand bien même, des traits ne sont pas éloignés d’un livre à l’autre, ils sont tous les deux biens différents. « Ces ressemblances factuelles peuvent difficilement être contredites. On ne verrait d’ailleurs pas quel intérêt on aurait à le faire. Car enfin, c’est parfaitement touchant d’ajouter un livre à la bibliothèque du jeune Georges Rémi qui devenu Hergé confiait en mars 1957, à l’hebdomadaire Femmes d’aujourd’hui : « J’ai très peu voyagé, sinon dans les livres », dit encore Valentine del Moral.
Écrivain, littérateur et journaliste. Auteur de poésies, romans, contes, voyages etc. Armand Dubarry (1836-1910) a composé d’autres ouvrages consacrés à l’Afrique, notamment Les colons du Tanganîka (1884) défini comme un « roman d’aventures africaines » (2). Il publiera plus tard Le rachat de l'honneur. Aventures d'un soldat français au Soudan (Charavay-Mantoux-Martin. Librairie d'Education de la Jeunesse - Paris – s.d. [1900], grand in-4° de 239 pp., illustré de 30 compositions de Beuzon). Il semblerait qu’il ait effectué un premier séjour en Afrique à la fin des années 1870, car il en a rapporté un Voyage au Dahomey pour la Collection : Bibliothèque d'aventures et de voyages (1879, 282 p.) qui lui a permis de nourrir quelques uns de ses romans. Sa bibliographie est en effet d’importance, elle tourne presque autour du monde depuis Paris, avec des scènes de mœurs parisiennes, l’Allemagne, les baleiniers, le cirque, l’Inde encore. Le Journal des Voyages, aventures de terre et de mer, a inséré en feuilleton dans son numéro du 17 février 1889, une série intitulée L’éléphant blanc.
Hergé a eu entre les mains, comme peut-être les ouvrages de Louis Boussenard, auteur prolixe d’aventures et de voyages, ceux d’Armand Dubarry et s’est nourri de scènes qu’il décrivait comme s’il avait écouté son grand-oncle.




(1) Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 PARIS du 29 avril au 1er mai 2011, ouv de 11 h à 20h – Entrée et catalogue : 8 € - www.salondulivreancienparis.fr – www.salondelestampeparis.fr
(2) réédité par l’Harmattan.

TINTIN N’EST PAS POLITIQUEMENT CORRECT (I)



Le Salon International du livre ancien a choisi, cette année, comme thème à son exposition : le Politiquement correct ? « Cette notion à multiples facettes permet de décliner une infinité de thèmes sociaux, politiques et philosophiques : Dieu et/ou la morale, l’autorité et la justice, l’égalité des sexes et des races, etc. Et le point d’interrogation a son importance car le conformisme d’hier ne ressemble guère à celui d’aujourd’hui », constate Alain Nicolas, président du SLAM, le Syndicat de la librairie ancienne et moderne qui organise cette manifestation, en collaboration avec le salon international de l’Estampe et du dessin (1). Quoi de plus réjouissant que de mettre l’accent sur cette gangrène qui accable notre société depuis quelques années : le politiquement correct. Autrefois, on censurait, on condamnait, on brûlait, bref c’était brutal voire sanglant, mais non insidieux comme aujourd’hui où de simples mots sont soudain rejetés de notre langage de peur faire d’être voué aux gémonies. L’autodafé est désormais intérieure, privée en quelque sorte. L’emploi de ces mots ou images s’arrête au seuil de la parole ou de la plume, comme face à un barrage infranchissable. Emmanuel Pierrat, avocat de toutes les causes littéraires décrit « 100 Livres censurés » dans un album qui se veut être un « parcours érudit mais accessible, joyeux et tragique » (2). Tous ces titres, souvent des classiques incontournables ont chagriné et chagrinent encore les autorités quelles qu’elles soient. Galilée, Baudelaire, Flaubert, Beaumarchais, Bataille, Helvétius, Genet, Sade, Radiguet, Vian, Mirabeau pour ne citer que ceux-ci ont dérangé les politiques et les bonnes mœurs. Chaque époque a cru se défendre de ces agresseurs de la pensée, des découvertes et du style et a traîné leurs représentants devant les tribunaux.
Aujourd’hui, plus besoin de tribunaux, le doigt accusateur de quelques « droitlohmmistes » suffisent quitte à se faire tout de même aider par les dits tribunaux. Un journaliste pour avoir dit tout haut ce que tout le monde dit tout haut, a récemment été condamné par la Justice. Céline y a échappé, il est mort. Le personnage n’est pas sympathique, il est même odieux ; mais on porte aux nues ses livres et surtout son style. A notre sens, cela relève davantage d’une affaire de goût, plutôt que de politique. Ce qui n’est pas le cas de l’album d’Hergé, Tintin au Congo qui fait l’objet de la vindicte d’un étudiant congolais, soutenu par les adhérents de la confraternité « politiquement correcte ». Il a été débouté de ses demandes, le 18 mars 2011 par le tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé. Finalement « Tintin au Congo » n’est toujours pas raciste. Les albums ne seront donc pas classés ailleurs que dans les rayons de la littérature jeunesse et ne porteront pas de bandelette d’avertissement.
L’idée du sujet de Tin au Congo en revient à l'abbé Norbert Wallez, alors directeur du quotidien Vingtième siècle. « Pour le Congo tout comme pour Tintin au pays des Soviets, il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : "Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là !", etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique, » devait confier Hergé à Numa Sadoul (3). La composition de cet album, comme celui consacré aux Soviets, relève d’un contexte historique ; les mentalités ont changé. Examinons donc à la loupe toutes les BD de l’époque et les suivantes et prenons nos ciseaux. Il y aura du travail.
Aucun exemplaire de l’édition originale de cet album, deuxième de la série, ne semble être présenté par un libraire dans le Salon. Il est d’abord sorti dans les pages du Petit Vingtième, le supplément du journal du Vingtième siècle du 5 juin 1930 au 18 juin 1931. Il parut ensuite chez Casterman en 1937, en noir et blanc avec 4 hors texte couleurs. Un exemplaire a été adjugé 3.800 € par Artcurial ; le 17 octobre 2009. La première édition couleur date de 1946, toujours chez Casterman. Un exemplaire a été vendu 6.500 € à Drouot, le 9 mai 1910 par la svv Kahn-Dumousset. Mais Tintin avait un grand oncle qui s’appelait Narcisse Nicaise.