samedi 28 avril 2012
lundi 5 mars 2012
LES LIVRES SACRÉS SOUS PRESSE
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Les trois religions révélées ont chacune leur livre sacré. De tous les autres livres, ils furent parmi les premiers à être imprimés.
« C’est avec raison que les livres de l’Evangile sont décorés d’or, d’argent, de pierres précieuses ; car en eux reluit l’or de la Sagesse céleste, en brillent l’argent d’une éloquence fondée sur la foi ; en eux éclatent les pierres précieuses des miracles, de ces prodiges opérés par les mains du Christ, par ces mains qui, selon la parole du divin Cantique d’or, faites au tour et pleines d’hyacinthes », écrivait, au XIIe siècle dans le De diviniis officiis, le frère Ruppert, père abbé bénédictin de Deutz, près de Cologne. Les musulmans, de leur côté ont mis toute leur foi et tout leur art afin d’enluminer les sourates du Coran, retranscrites avec les calligraphies les plus recherchées. Quant à la Torah des juifs ou le livre de la Loi, qui comprend le Pentateuque les Prophètes et les Hagiographes, elle fut toujours copiée avec le plus grand soin. De quelque côté que nous nous tournons, les livres saints ont toujours bénéficié des plus belles apparences. Il est, par ailleurs significatif que le premier livre qui ait été imprimé soit la Bible.
Cette Bible imprimée, en latin, en caractères gothiques, sur deux colonnes de 42 lignes, comprenant 637 feuillets, suscita quelque méfiance. Certains de ses acquéreurs pensèrent, à l’époque, qu’ils avaient acheté un manuscrit pour seulement 60 écus ; les autres ayant reconnu que le travail de la main était absent crièrent à la sorcellerie. « Ils imaginèrent que le diable avait inventé ce nouveau moyen pour falsifier les écritures, raconte Jules Janin. Ils dénoncèrent Gutenberg et son associé Jean Fust, à l’indignation des magistrats ». Il a été tiré de ce premier livre près de deux cents exemplaires, tous sur vélin, peu avant 1455. Quarante-huit seraient parvenus jusqu’à nous, dont vingt-et-un complets. Trois sont conservés en France, deux à la bibliothèque Mazarine et un à la Bibliothèque nationale.
L’INQUISITION CONTRE LE CORAN
Le premier Coran aurait été imprimé en arabe, à Venise, en 1530, par les soins de Paganino et d’Alessandro Paganini ; mais cette édition aurait été entièrement détruite par l’Inquisition sur ordre du Pape, alors Clément VII, Jules de Médicis. On ne la connaissait, en fait, que par un passage de l’Introductio in chaldaicam linguam (Introduction à la langue chaldaïque, syriaque, arménienne, et dix autres langues) de Teseo Ambrogio publié à Pavie, par J.M. Simoneta, en 1539. Angela Nuovo en retrouva un, en 1987, dans le couvent de San Michèle in Isola. La première édition latine du Coran fut l’œuvre du Zurichois Théodore Bibliander et fut imprimée à Bâle en 1543 par Oporin. Elle se fondait sur la traduction de Robert de Rétines (mort en 1143), retrouvée en 1542 par Martin Luther dans un manuscrit médiéval de la bibliothèque de Wittenberg et qui l’avait confiée à Bibliander. Cette impression fut effectuée à l’insu des autorités et, lorsque l’ouvrage parut, les exemplaires en furent saisis et l’imprimeur arrêté. Finalement tout s’arrangea grâce à Luther, et le conseil municipal de Bâle donna son autorisation, à condition que ni le nom de la ville ni celui de l’imprimeur ne figurent sur la page de garde et que l’édition soit vendue à partir de Wïttenberg accompagnée d’une préface de Luther. La Bibliothèque nationale de France conserve un exemplaire d’une autre traduction latine du Coran, également en 1543, intitulée Codex authenticus doctrinae Mahumeticae… par Robert de Retines et Hermann le Dalmate, imprimée aussi à Bâle, par Johann Oporinus, d'après Göllner. Il s’agirait de l’une des trois éditions parues en 1543, dans laquelle ne figure, dans la première partie, que la préface de Mélanchthon, et non celle de Luther. Une autre édition de cette année-là, est celle de Nürenberg, dans la traduction de Johann Albrecht Widmanstetter. Une édition complète en arabe avec une traduction en latin, fut publiée par Ludovico Maracci à Padoue en 1698. Il convient de noter une édition en italien, à Venise en 1547. La première en Allemand date de 1616.
La première traduction en langue vernaculaire qui ne dépendait pas de la première édition latine, fut l’édition française de Du Ryer en 1647 à Paris chez Sommanville (in-4°). Cette traduction fut plusieurs fois rééditée jusqu’en 1775. Après elle, nous avons celle de l’orientaliste Claude-Étienne Savary (1750-1788), pionnier l’Egyptologie française. Son texte intitulé Le Coran traduit de l’arabe, accompagné de notes, et précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet, tiré des écrivains orientalistes les plus estimés, parut pour la première fois à Paris, chez Knapen & Fils, en 1782 ; une seconde édition (Amsterdam, Leide, etc.) sortit quatre ans après. Il en est une autre annoncée comme étant imprimé à « La Mecque, en l’an de l’Hégire 1165 », soit 1787. Savary travailla sa traduction de 1776 à 1779, et dans sa préface critique assez vivement le texte de du Ruyer : « une rapsodie platte & ennuyeuse ».
Pendant ce temps, les musulmans refusaient toujours l’impression du Livre saint. C’est à l’instigation de Catherine II de Russie que le Coran fut édité à leur intention, à Saint-Pétersbourg, en 1787 (in-folio). Ce Coran, qui contient des annotations du mollah Osman Ismaïl, connut trois réimpressions à Saint-Pétersbourg jusqu’à 1796 pour paraître à Kazan à partir de 1803.
LE CODE DES LOIS JUIVES
Selon, les bibliographes, l'impression de livres hébreux commença sans doute à Rome vers 1470 et se répandit avant 1500 dans toute l'Italie, la péninsule ibérique, et jusqu'à Constantinople. Il ne resterait en tout de cette époque que quelque 175 ouvrages distincts imprimés en caractères hébreux. On peut citer, par exemple, le Mishné Torah imprimée, sans doute à Rome, en 1474 ou 1479 par Salomon b. Juda et Obadya. Cette édition princeps du plus important code médiéval de lois juives, rédigé par Maïmonide, est l'un des premiers livres imprimés en hébreu, bien que le lieu et la date de sa publication n'aient pas été établis avec certitude. Le colophon de la première partie de cet ouvrage se lit comme suit : « Béni soit le Dieu miséricordieux qui nous a aidés depuis le début ... Qu'Il nous accorde le privilège de commencer et de terminer dans la paix la deuxième partie de ce livre et les ouvrages qui suivront ». Un autre ouvrage tout aussi important est le Perush ha Torah de Nachmanide, imprimé à Lisbonne, en 1489 et conservé, aujourd’hui, à la Newberry, aux Etats-Unis. En 1566, Plantin, l’imprimeur d’Anvers, sortit sa première Bible hébraïque, Hamishah humshei Torah, en trois formats différents dont le plus petit est un in-16. Chez nous, en France, Estienne imprima lui aussi une Bible hébraïque en 1532, dont un exemplaire faisait partie de la collection jésuite des Fontaines, et déposée temporairement à la bibliothèque de la ville de Lyon. Estienne imprima aussi la Torah nevi'im u-ketuvim, en 1544 (17 parties en 5 vol.in-16).
LA VULGATE REFORMÉE
En France, la vulgate a dominé durant des siècles. Les vaudois, les cathares et les albigeois réalisèrent des traductions de tout ou partie de la Bible en provençal, en langue d'Oc, d'Oïl... En 1530, Lefevre d'Etaples fit imprimer à Anvers sa Bible en français (suite à un exil entraîné par des persécutions de l'Inquisition et des docteurs de la Sorbonne). Cette version sera publiée sous 36 éditions successives. L'imprimeur du Roi Henri II, Robert Estienne donne à la Bible sa division en versets. La Bible de Lefevre d'Etaples accessibles aux non-latinistes constitua une base certaine du mouvement de la Réforme. Les Réformés, avec Guillaume Farel, décidèrent une nouvelle traduction en français. Elle fut confiée au cousin de Jean Calvin, Pierre-Robert Olivetan. C'est par lui que Calvin s'initia à la lecture des Evangiles. L'Eglise de Rome s'opposant à cette publication, c'est en Suisse qu'elle fut imprimée. La Bible Olivetan fit l'objet de plusieurs révisions : Calvin en 1560, Théodore de Bèze en 1588, David Martin en 1707 et Osterwald en 1744.
LE LIVRE DES SOUVERAINS
La bibliographie de la Bible est sans doute la plus importante de toutes les bibliographies. A titre d’exemple, la Librairie du Congrès conserve près de 10 000 Bibles différentes, la Britsih Library indique 96293 références, la base de donnée globale du site www.rarebooks.info comporte 12360 réponses. Quant à la Bibliographie des bibliographies établie par Léon Vallée, en 1883, elle donne, seulement, 51 bibliographies. Nous sommes naturellement loin du compte. Suivons alors, les souverains comme Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Ils firent imprimer quantités de Bibles au cours de leur règne. Napoléon disposait de deux Bibles en huit volumes, la traduction de Corbin réalisée en 1643, et celle de Lemaître de Sacy. Cette traduction (Paris, 1682-1700, 32 vol.in-8°) est la plus connue car elle a été de nombreuses fois rééditées . Elle est considérée plus élégante qu’exacte. A la mort de Lemaistre de Sacy en 1684, son héritier vendit au libraire parisien Guillaume Desprez, l’ensemble des manuscrits bibliques restés « parmi les effets Sacy ». Il multiplia les éditions dans toutes les présentations possibles de l’in-12 à l’in-folio ; étouffé par son stock, il dut, en 1776, le brader au tiers ou à la moitié du prix marqué. La dernière édition du XVIIIe siècle, imprimée par Defer de Maisonneuve (1789-1804, 12 vol.in-8°) est illustrée par 300 figures de Marilier et Monsiau. Après tout, comme le disait Goethe : « La beauté de la Bible grandit à mesure que nous grandissons dans sa compréhension. »
Sources : Légendes des siècles, parcours d’une collection mythique par Charles Méla, préface de Jean Starobinski, Fondation Martin Bodmer/Editions du Cercle d’Art, 2004.
L’Europe et le monde arabe, par Alastair Hamilton, Institut du monde arabe, 1993.
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mardi 14 février 2012
DE L’ÉDUCATION DES FILLES
L’éducation des filles a été – est toujours – la grande préoccupation des moralistes. Sans revenir sur la Bible ou le Coran, nous pouvons nous arrêter au Livre pour l'enseignement de ses filles de Geoffroi de La Tour Landry (vers 1330- vers 1406) qui connut un succès certain jusqu’au XVe siècle. Ce manuel était destiné à « inculquer aux demoiselles nobles les principes de vertu, de bienséance et de piété à observer avant et après le mariage ». L’édition princeps de cet ouvrage dont on connaît une vingtaine de manuscrits, a été publiée en 1514 à Paris par Guillaume Eustace. Plus tard, l’Espagnol Jean Louis Vivès (1492-1540) un humaniste juif converti au catholicisme, devenu professeur à l’université de Louvain puis à Oxford, étudia l’organisation de la société et composa [en latin] De l'institution de la femme chrétienne (Anvers, 1524, in-4). Il fut traduit en français par P. de Changy, sous le titre : Livre très-bon, plaisant, salutaire, de l’institution de la femme chrestienne, aussi de l’office de mary (Paris, Jacques Kerver, 1543, in-8). Ce traité connut un succès considérable dans toute l’Europe et influença durablement l’éducation des femmes. Vivès recommandait finalement une vie simple reposant sur trois principes élémentaires : « se rendre agréable à son mari par ses charmes et sa conversation ; l'aider dans le gouvernement des affaires domestiques ; savoir élever chrétiennement ses enfants. » (1)
On cite encore, dans ce domaine le Traité de l'éducation des filles de Fénelon- François de Salignac de La Mothe (1651-1715) - composé en 1681 à la demande de la duchesse de Beauvilliers, et destiné à ses filles. Cet ouvrage valut à Fénelon d'être nommé précepteur des enfants de la famille royale. Un exemplaire de l’édition originale (Paris, Pierre Aubouin, Pierre Emery, Charles Clousier, 1687. In-12) relié à l’époque en plein veau orné a été adjugé 600 €, à Drouot, le 17 février 2010 par la svv Binoche Giquello assistée par Dominique Courvoisier. Entre temps un certain Jean-Baptiste de Glen (1552-1611) qui devait devenir provincial des pères augustin à Paris et semble-t-il aux Pays-Bas, s’intéressa lui aussi à l’éducation des jeunes filles avec un traité dont le titre, finalement n’est guère alléchant : Du debvoir des filles. Traicte brief, et fort utile, divise en deux parties : la premiere est, de la dignite de la femme, de ses bons deportemens, et debvoirs ; des bonnes parties & qualités requises aux filles, qui tendent au mariage. L’autre traicte de la virginité, de son excellence, des perfections necessaires à celles, qui en font profession, des moyens de la conserver ; & de plusieurs autres choses, qui se verront plus à plein au sommaire des chapitres... Item plusieurs patrons d'ouvrages, pour toutes sortes de lingerie… Nous avons vu un exemplaire d’une édition originale relié en cartonnage bradel moderne, (A Liege, Chez Jean de Glen, 1597, in-8) sur le stand des libraires d’ancien à la Brafa dans les rayonnages d’Eric Speeckaert de Bruxelles. Cet ouvrage publié par le frère de l’auteur mais imprimé par Henri Hovius, est orné de 20 planches (il en manquait une ) à pleine page dans le texte. Ces illustrations sont sur fond noir et représentent des modèles de broderies.
Divisé en deux parties, le traité prodigue des recommandations pour garder les filles dans le droit chemin, préconisant la chasteté et conseillant de les retenir au foyer en les occupant à des travaux domestiques, notamment la broderie. La virginité semble bien importante à ce religieux qui donne des conseils pour la défendre vaillamment : « La chasteté est une place assiégée et qui a des ennemies dedans et dehors : au dedans est la chair, vray cloasque de toute ordure, fournaise ardente de toute concuspicence, vray maquerelle, ingénieuse ouvrière de toutes souillures et turpitudes ; laquelle seule livre à la chasteté plus d'assauts et dresse une plus furieuse batterie que tous les autres ennemies ensemble ».
L’ouvrage est dédié à « madame Anne de Croy, marquise de Renty ». Sa maison est qualifiée d'« escolle de vertu » où « tant de filles font leur apprentissage en pudicité & honneur ». J.B de Glen devait reprendre ses idées en composant une somme qui fit sa renommée : l’Oeconomie chrestienne, « contenant les règles de bien vivre, tant pour les gens mariés qu’à marier, pour nourrir et élever les enfants, fils, filles, etc. » (Liège, 1608, petit-in-8). Le bibliographe Brunet estime que cet « ouvrage est singulier et d’un style des plus naïfs ».
(1) Les éditions de l’Harmattan ont réédité cet ouvrage dans la traduction de Changy, adapté, introduit et annoté par Bernard Jolibert, 250 p. 24 €.
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jeudi 22 décembre 2011
Conte de Noël / LE CHAMEAU A FUGUÉ
De la fenêtre de sa chambre, Léandre contemple la façade de l’immeuble voisin. La grande vitrine de la boutique, en bas, est vide. Pas tout à fait ; l’enfant distingue des petits personnages errant çà et là sur la moquette à peine éclairée par un projecteur. Marionnettes oubliées d’un décor passé, elles tentent de jouer encore dans cet espace vide qui doit être bien froid. Il la connaît bien cette devanture devant laquelle il passe chaque matin en allant à l’école et chaque soir au retour. Ce ne sont pas tellement les vêtements habituellement suspendus qui l’attirent que les jouets dispersés autour d’eux. Des charriots bleus ciel, des voitures rouges ou vertes, des échelles et même des bateaux aux larges voiles, sont peuplés d’ours bruns ou blancs semblant les conduire ou les tirer dans des promenades immobiles. Le petit garçon s’étonne parfois de ne pas les voir s’enfuir réellement dans la rue, franchir les carrefours et traverser les boulevards pour se rendre par exemple jusqu’au bord de la mer où ses parents l’emmènent dans une grande maison au bord de la plage. Il lui est arrivé d’interpeler, de sa voix encore frêle, celui que son père lui a dit se nommer Paddington, un Anglais qui a traversé les mers dans un canot. Il est facilement reconnaissable celui-là avec son duffle-coat vert, ses bottes jaunes et son chapeau rouge de marin. Ah, partir avec lui, à bord de son bateau pour aller découvrir un trésor ! Un seul inconvénient, il y a des mouettes au-dessus des vagues, Léandre aime bien les entendre, lorsqu’il est engoncé sous les couvertures dans la chambre de l’étage de la maison d’Houlgate, mais, le jour, il en a peur. Elles ont un gros bec tout pointu et jaune, ces mouettes que Grand-père prend bien soin de nommer goéland. Un mot trop compliqué à retenir.
Le petit Léandre saute sur son vélo tout neuf, tout jaune, aux petites roues toutes rouges, et appuyant fort sur les pédales parvient à jaillir hors de sa chambre, amorce un virage serré qui le jette dans le couloir et, à bout de course, butte contre le canapé du salon. Aïe ! Maman sursaute et fronce les sourcils. La boîte ouverte qu’elle a posée sur la table basse, a failli être renversée par l’impétueux coureur. L’enfant reconnaît le coffret dans lequel sont rangés les santons de la crèche. Il n’ose imaginer la catastrophe qu’il a évitée de peu. Maman sourit déjà, l’incident semble oublié ; elle l’invite à l’aider à dresser la crèche. A condition d’être prudent, il obtient l’autorisation de sortir, avec beaucoup de précaution, chaque personnage et de le déposer dans et autour de cette drôle de maison en forme de village que Grand-père a rapporté, il y a bien longtemps de Naples, une ville de l’Italie, où lui, a-t-il raconté, il existe une rue où des artisans fabriquent toute sorte de maisons comme celle-là peuplées de dizaines petits personnages. L’enfant se montre appliqué et pose ainsi l’Eveillé, les bergers, le meunier, le pistachié, le chanteur qui rappelle un grand cousin trop tôt disparu dont il ne se souvient pas, puis l’abbé, le tonnelier et les adorants, toute cette petite foule qui entoure Marie, Joseph, le bœuf et l’âne. Le Petit Jésus, lui, doit attendre d’apparaitre dans la nuit de Noël. Léandre sait que c’est à lui que reviendra la tâche de Le déposer au centre de la crèche.
« Dans combien de jours arrive Noël ? » demande le petit garçon à sa mère. La jeune femme regarde avec tendresse son fils, se souvenant de sa propre impatience lorsqu’elle était elle-même une petite fille. « Encore une petite semaine ! » - « Cela fait-il beaucoup de jours ? » - « Six. Compte sur tes doigts » - « Oh, c’est loin ! », constate-t-il d’un air presque désespéré. Il ne reste plus au fond de la boîte que les Rois Mages dont on oublie toujours le nom de l’un des trois : « Melchior, Balthazar et…Gaspard. Léandre les place à l’écart derrière la montagne en papier. Ils ne sont pas encore partis pour Bethléem, l’étoile qui doit les y conduite ne brille pas encore dans le ciel. « Où est le chameau ? » Pas de chameau dans la boîte. Maman a beau regarder, fouiller, remuer les feuilles de papier de soie froissés. Pas de chameau. Ce camélidé est indispensable pour constituer le groupe des Mages. Sans lui, ils ne pourraient être présents le jour de l’Epiphanie.
Dans sa petite tête, Léandre ne comprend pas qu’un si gros et si bizarre animal ait ainsi disparu. Il ne doit pas être bien loin. « Je vais mener mon enquête ». Hélas, le coffret retourné, rien n’en sort. Le placard où sont rangées chaque année les décorations de Noël, ne livre pas plus de chameau. C’est pourtant grand un chameau avec sa grosse bosse et son long cou, et ses grands yeux qui semblent tout doux. Maman lui a raconté que c’est grâce à cet animal que l’on peut traverser les déserts.
Distrait de ces jeux, Léandre jette un regard à travers la fenêtre vers l’extérieur. Les nuages gris semblent couvrir la rue. La neige va-t-elle tomber ? Tous les contes et les histoires de Noël se déroulent sous les flocons de neige. Jamais encore le petit bonhomme n’a vu dans la ville, de flocons le soir de Noël. Il imagine les rues couvertes de cette mousse blanche et froide comme en montagne et des traineaux tirés par des chevaux qui glisseraient au son des grelots. Les chameaux supportent-ils le froid ? L’enfant tout à son rêve glisse vers la vitrine d’en face et quelle n’est pas sa stupéfaction de voir justement un chameau dressé la tête haute comme s’il le regardait ? Il semble aussi grand qu’un vrai. Il se frotte les yeux, se retourne vers le coffret à santons et se demande comment son chameau a-t-il pu grandir et s’échapper ? Car le petit garçon ne doute pas un instant que l’animal posé dans la vitrine soit le sien. « Je dois aller le chercher », se dit-il avec force en serrant les poings.
Vous n’allez pas me croire, mais les veilles de Noël, les animaux parlent entre eux d’abord, aux enfants qui savent les entendre ensuite. Quant aux adultes, il convient qu’ils aient véritablement conservé leur âme d’enfance, ce qui n’est pas toujours gagné. Et les peluches, me direz-vous ? Ceux-là sont à part, ils possèdent un langage secret que seul les bébés comprennent. Léandre à la faveur d’une course en compagnie de Grand-mère, réussit à s’approcher de la vitrine et à insister pour regarder le fameux chameau. Il est installé entouré de peluches de plus ou moins grande taille figurant d’autres animaux figés dans un jeu que les humains ne doivent pas deviner. Lui les domine, l’air un peu las, prenant garde toutefois de ne pas les bousculer dans leurs cabrioles. Cela, les humains ne le voient pas, quoique Léandre semble percevoir le remue-ménage qui agite ce petit monde dans un décor qui mélange autant les montagnes que les dunes. Imperceptiblement le grand animal incline la tête et remue l’une de ses oreilles toute ronde, tandis que le petit garçon murmure : « Je t’ai reconnu, je sais que c’est bien toi, le chameau de ma crèche, tu n’as pas le droit de m’abandonner, tu dois rentrer à la maison ».
Têtu le chameau n’a pas quitté sa nouvelle maison. Léandre trépigne devant sa fenêtre lui lançant des appels désespérés ou impératifs. Les parents se sont aperçus que l’enfant était préoccupé. Ils mettent cet énervement sur le compte de l’approche de Noël. Il leur a expliqué qu’il avait retrouvé le chameau perdu et qu’il tentait par tous les moyens de le faire revenir à la maison, car les Rois mages avaient besoin de lui pour arriver dans la crèche de l’Enfant Jésus. Pensant à un jeu, les parents acquiescent dans un même mouvement de la tête.
Vous n’imaginez pas le tintamarre qui a retenti dans la rue, d’abord, puis dans l’escalier de l’immeuble, quelques instants avant minuit, dans la nuit du 24 au 25 décembre. Les passants ont vu galoper dans la rue un chameau poursuivi par une meute d’animaux en peluches qui tentaient de la retenir. En vain, car un bout de chou tenait le portail de l’immeuble du n° 48, en faisant des grands signes. Le chameau se précipita à l’intérieur, la lourde porte se referma. Un grand bruit encore, puis plus rien.
Au matin, tandis que Léandre entouré des parents, grands-parents, oncles et tantes et cousins découvrent les paquets enrubannés déposés devant le sapin, Maman contemplant la crèche s’exclame : « Tiens, le chameau est revenu, Léandre, tu vas pouvoir faire avancer les Rois mages ». Le petit garçon lève les yeux ; la tête de la petite figurine s’incline et son œil cligne légèrement. Il est le seul à le voir. (fin)
Bertrand Galimard Flavigny
mardi 20 décembre 2011
L’INSTITUT D’EGYPTE
l'Institut d'Égypte a été ravagé par un incendie, le samedi 17 décembre 2011, au Caire La majeure partie de son fonds constitué d’environ 200.000 ouvrages n'était pas numérisée. Le lundi suivant, près de la place Tah¬rir, les 22 employés ainsi que deux membres de l'Unesco et des volontaires continuaient de mettre sous sacs plastique des pages en partie calcinées et des volumes noircis.
La fameuse phrase : Soldats, du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent", figura pour la première fois dans une Histoire de Bonaparte, premier consul, par un anonyme (en fait O. Guerlac), publié en 1803. Bonaparte ne l’aurait jamais prononcée, mais l’aurait adoptée a posteriori. La campagne d'Egypte débuta en avril 1798 et s'acheva le 14 septembre 1801 après la capitulation du général Menou à Alexandrie.
Lorsque les troupes dites de « l’Armée d’Angleterre » s’embarquèrent à Toulon, le 19 mai 1798, elles ignoraient leur destination. Le secret avait été bien gardé. On imagine la stupéfaction des soldats lorsqu’ils apprirent qu’il s’agissait de l’Egypte ! « La surprise fut si grande qu’un petit nombre seulement s’avisa que Bonaparte qui les commandait avait signé la proclamation que l’on venait de lire aux troupes de son nom suivi de la mention : « membre de l’Institut national, général en chef ».
Bonaparte avait été, en effet, élu le 25 décembre 1797 à l’Institut, au fauteuil de Lazare Carnot, mais n’y siégea n’y ne revêtit jamais l’habit vert. Une aquarelle laisse croire le contraire. Celle-là fut composée par Edouard Detaille (1848-1912). Elle représente Bonaparte revêtu de la redingote brodée, culotte à la française noire, bas noirs, les bras croisés, adossé à un bureau. On distingue sur la gauche des travées et le visage de deux ou trois membres de l’Institut. Cette scène apocryphe est entrée en mars 1997, dans les collections de l’Institut de France, après un achat à l’hôtel des ventes de Drouot.
« Triomphalement élu à l’Institut, Bonaparte poursuit habilement sa cour, signant désormais lettres et proclamations de son nouveau titre, emmenant avec lui en Egypte, Berthollet et Monge, créant au Caire un Institut calqué sur le modèle de celui de Paris, et poussant l’admiration pour les idéologues en allant jusqu’à publier une seconde Décade, égyptienne celle-là... », raconte l’historien Jean Tulard. Cet Institut d’Egypte fut fondé le 22 août 1798, avec pour but « le progrès et la propagation des Lumières ». Emanation de la Commission des sciences et des arts, emmenée par Bonaparte lors de sa campagne, il comptait 36 membres, choisis parmi ses personnalités les plus éminentes. L’Institut comprenait quatre sections de douze membres : mathématiques, physiques, économie politique, littérature et arts. Il se réunit deux fois par décade jusqu'en 1801, dans le palais Hassam Kachef. On y a traité de questions pratiques comme la fabrique de la bière sans houblon, la clarification des eaux du Nil. Et aussi débattu, ce qui fut plus important pour l’histoire des sciences, de l'explication du phénomène des mirages par Gaspard Monge et l'étude de Claude Berthollet sur les lacs de natron - d'où est extraite la soude qu'exporte l'Égypte depuis l'Antiquité -, qui a conduit à remettre en cause la thèse, dominante à l'époque, des affinités électives et à avancer l'idée novatrice d'«équilibre chimique», fondamentale pour l'avènement de la chimie moderne. Ces travaux furent publiés dans La Décade égyptienne. Cette revue prit des allures de bulletin d’information. On lança même une montgolfière, par deux fois, depuis le centre du Caire. Les Egyptiens haussèrent les épaules devant ce ballon qui s’élevait dans les airs… et retombait aussitôt. Les Musulmans furent davantage choqués par l’habit des membres de l’Institut ; il était vert, la couleur réservée aux descendants de Mahomet. Le recueil des communications de l’Institut seront publiées, sous le titre Mémoires sur l’Egypte…(P. Didot l’aîné, an VIII-an XI (1800-1803), 4 vol. in-8°, 2 cartes dépliantes, 2 tableaux dépliants). Une édition anglaise (London, R. Phillips, 1800, in-8°) fut publiée en même temps.
Si la campagne d’Egypte, entreprise insensée, ne rapporta rien sur le plan militaire, elle provoqua, en revanche, une floraison de découvertes archéologiques et une avalanche de mémoires. Philippe de Meulenaere a recensé dans sa Bibliographie raisonnée des témoignages oculaires imprimés de l'expédition d'Egypte, trois cent soixante trois ouvrages composés par autant de militaires, de médecins, chirurgiens, scientifique, ingénieurs et voyageurs français, anglais, arabes (1). Le résultat du travail de tous ces savants se retrouve dans la monumentale Description de l’Egypte, ou « recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition française ….». (Imprimerie Impériale, puis Imprimerie Royale, de 1802 à 1830).
Cette « Description » comprend 9 tomes en 10 volumes, petit in-folio de texte, orné de 36 planches, plus l’Atlas comprenant 11 tomes en 13 volumes, grand in-folio contenant 892 planches dont 72 sont coloriée. Plus de 80 artistes y ont apporté leur concours et, pour imprimer les planches, la plupart en noir, mais certaines en couleur, il a fallu employer plus de 400 graveurs ! A cause du format exceptionnellement grand des planches, Nicolas Conté a dû inventer une presse spéciale qui fut installée dès 1803 au Louvre, avant de gagner, en 1805, le tout neuf Institut de France.
L'ouvrage dont les maîtres d’œuvres furent Gaspard Monge (1746-1818) et Dominique-Vivant Denon (1747-1825), comporte trois parties : Antiquité, Etat moderne et Histoire naturelle. 5 volumes de planches sont consacrées à l'Antiquité ; 4 volumes de texte, 2 volumes de planches et 3 de texte à l'Etat moderne ; 3 volumes de planches et 2 volumes de texte à l'Histoire naturelle. Cette parution nécessita 211 livraisons. Elles ne furent pas régulières, car pour des raisons politiques et financières, la publication dut être interrompue cinq fois et l'ouvrage resta dépourvu de tables. C'est à Charles X que le géographe Edme-François Jomard (1777-1862), secrétaire général de la rédaction, présenta les dernières planches. Le roi offrit quelques exemplaires de cet ouvrage dont un au général de La Ferrière, relié en demi-maroquin rouge, aux plats entourés d’une frise de fleurs de lys. Le plat supérieur est orné de l’inscription suivante « Donné par le Roi au LT. Gl de LA FERRIERE, Grand Croix des Ordres Royaux de St-Louis et de la Légion d’Honneur. 1828 ». (2)
Comment ranger dans une bibliothèque, un ouvrage d’une telle dimension ? Celui du général est présenté dans une meuble-bibliothèque en chêne reposant sur quatre pieds moulurés, présentant cinq compartiments (H. 98, L. 122,5, Pr. 83 cm). En fait Jomard avait dessiné les plans d’un meuble qui pourrait être exécuté sur commande. L’ébéniste parisien Charles Morel réalisa plusieurs modèles de ce fameux meuble « retour d’Egypte ». Nous en connaissons au moins six dont un à la bibliothèque du Sénat offert par Louis-Philippe à la Chambre des Pairs, un autre dans celle de l’Assemblée nationale, un autre encore qui appartenu au Dr Clot-Bey, sans doute offert par le roi Louis-Philippe. Nous en avons la description : « Ce meuble en acajou et placage d’acajou le dessus à plateau basculant à la Tronchin est muni de deux lutrins adaptés aux dimensions des planches et gravures qui se fixent sur le plateau par un axe métallique. Il est composé d’un tiroir et de deux vantaux ; le tiroir démasque un bureau à quatre casiers ; derrière les vantaux apparaissent 14 rayonnages à roulettes. Le meuble est décoré de frises sculptés par Danton aux motifs de papyrus, cobras, bâtons liés, colonnes serpentines à chapiteaux de masques nubiens, de cartouches ailées aux armes du royaume d’Egypte. Jacob conçut aussi un meuble spécial en acajou et bronzes dorés, pour contenir cette « œuvre digne de la grande Encyclopédie du siècle des Lumières ».
Bertrand Galimard Flavigny
(1) Ed. Chamonal
(2) Celui-ci a été adjugé 26.000 €, à Cheverny, le 7 juin 2009 par la svv Philippe Rouillac
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dimanche 18 décembre 2011
UN CANTIQUE DE NOËL PEUT EN CACHER UN AUTRE

Chanter Noël ! Quoi de plus naturel en cette période de l’année. Les Anglais excellent en cela grâce, notamment aux chorales de Cambridge, les Anglo-Saxons poussent plus loin la chansonnette et c’est un plaisir de les entendre autour de l’arbre décoré dans Downtown. Les chants composés autour de la date choisie de la naissance du Christ, sont apparus vers le IXe siècle. Cela alla même plus loin, car trois siècles plus tard, on mit en scène sur le parvis des églises, cette naissance avec des personnages costumés à l’instar des comédies musicales d’aujourd’hui. Puis, le temps passant, les noëls traditionnels devinrent peu à peu dépourvu de sens religieux. Ils furent peu à peu diffusés grâce à l’imprimerie. Justement, l’un des plus fameux sortit des presses en 1520 à Paris les Noëls de feu maître Lucas le Moigne, en son vivant curé de Saint-George du Pui la Garde, au diocèse de Poitou. Selon les musicologies, cet ecclésiastique utilisa les airs de 36 chansons déjà connues. Mais attention, un cantique peut en cacher un autre. Les noëls de Jean Daniel, dit maître Mitou, chapelain et organiste, publiés pour la première fois à Lyon, au cours du XVIe siècle, et souvent réimprimés, ne sont aucunement religieux, ni par le caractère familier et bouffon de ses textes, ni par la musique à laquelle ils s'adaptaient, qui était, selon leur titre « le chant de plusieurs belles chansons ». Il y avait tromperie sur le sens liturgique. Nicolas Denisot (1515-1559), un bel esprit du temps qui aimait aussi la peinture, entreprit de ramener la gravité dans les noëls. Il fit paraître au Mans [sans date] et à Paris chez la veuve Maurice de La Porte, en 1553, sous l'anagramme de son nom, le Conte d'Alsinois, les Cantiques du premier aduenement de Iesu-Christ, contenant treize chants avec la musique des airs imprimés dans le texte. De son côté, à peu près à la même époque, Nicolas Martin, « clerc de branche » à Saint-Jean de Maurienne publia à Lyon en 1555, des « noëls et chansons tant en vulgaire Françoys que Savoysiens dict Patois ». Martin et Denisot, on s’en doute, ne furent pas le seul à compiler voire composer des noëls. « Il n'y est pas fait place, ou rarement, à la prière. Ce sont des chansons de réveillons, non d'église », disent les dictionnaires musicaux. La recette était simple. On prenait des chansons populaires déjà connues sur lesquelles on mettait des paroles de son cru et on les appelait « noëls nouveaux ». Chacun se souvient de « Sur le pont d’Avignon J’ai ouï chanter la belle » ; connaît-on le cantique de noël calqué sur ces paroles : « Sur le Mont de Syon J’ai su bonne nouvelle » ? La chanson au joli titre : « Une jeune fillette/De noble cœur », qui raconte l’histoire d’une jeune fille mise au couvent contre son gré, est ainsi devenue « Une jeune pucelle De noble cœur », qui narre désormais l’histoire de la Vierge Marie ? Les danses elles-mêmes furent mises à la contribution de Noël. La plus familière car on ne s’en doute pas est « le Branle de l’Official » qui est devenu un « Carol » anglais sous le nom de Ding Dong Merrily on High. Tant en Angleterre, qu’en Nouvelle Angleterre et en Nouvelle France, dans les pays du Nord, ce chant retentit, sans que l’on s’en lasse, dans les foyers, les magasins, les rues, les églises…
L’abbé Joseph-Simon Pellegrin (1663-1745), d’abord religieux servite et aumônier de la marine, excella dans cet exercice d’adaptation. Proche de Mme de Maintenon, il put être sécularisé, ce qui lui permit d’ouvrir une boutique de madrigaux et épigrammes à caractère religieux, qu’il vendait pour toutes occasions ! Type du prêtre-crotté, il écrivait aussi pour le théâtre, afin d’arrondir ses fins de mois. Toujours est-il que ce librettiste a modifié voire modernisé plusieurs textes anciens parvenus jusqu’à nous. Le vaudeville Prends ma Philis, prends ton verre se chante désormais, grâce à lui : Cher Enfant qui vient de naître. L’abbé fit paraître la première fois en 1722, ses Noëls nouveaux sur les chants des Noëls anciens, notés pour en faciliter le chant, mais sans musique. Ce qui peut s’expliquer, car les lecteurs devaient s’en souvenir. Une nouvelle édition, datée de 1728 à 1735, fut imprimée pour Nicolas le Clerc toujours sans musique et comprenant sept recueils de noëls nouveaux et poésies spirituelles. Parmi elles, le Venez divin Messie issu de Laissez paître vos bêtes.
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lundi 21 novembre 2011
LE TRÉSOR DES LIVRES DE MER

Rien de tel qu’un récit de navigation, un traité de fabrication des navires, un glossaire maritime et même des ordonnances pour les juristes pour rêver. Ces ouvrages sont encore relativement rares aux XVIe et XVIIe siècles. Il n'en reste pas moins que les plus beaux cités par les bibliophiles marins datent de la fin du XVIIIe siècle. La Bibliographie maritime française depuis les temps reculés jusqu'en 1914, composée par Jean Polak comporte néanmoins 12 000 titres et nous imaginons qu’il convient de tripler ce chiffre un siècle plus tard. Comment choisir parmi tous ceux-là. Les voyageurs anciens se complurent à décrire des « amazones, géants patagons et cyclopes » et firent ainsi découvrir à leurs contemporains, les nouveaux mondes et suivre les expéditions scientifiques, les travaux des naturalistes, des anthropologues ? Michèle Polak dont la librairie de la rue de l’Echaudée, à Paris est le port à partir duquel tous les marins et les voyageurs partent vers d’autres mers, nous aide à distinguer parmi ces merveilles.
« J’ai trouvé dommage que ces livres soient ignorés, dit-elle. Ils n’ont pas été écrits seulement pour les marins, on peut les lire. Ils racontent notre passé, l’histoire d’autres peuples, d’autres mondes, tout ce qui nous a fait. Ce sont des textes vivants, de la véritable littérature », explique l’auteur du Trésor des livres de mer (1). Mais comment choisir entre toutes ces merveilles ; elle a été limitée à quatre-vingts titres. Elle ne pouvait pas passer à côté du De Insulis in mari Indico, la « lettre de Colomb », l’un des imprimés les plus précieux de la bibliophilie dite americana, ni du Voyage autour du monde de Bougainville, ni de celui de Krusenster, ni celui de Louis de Freycinet, ni de celui de Laplace. Michèle Polak a d’abord sélectionné les ouvrages qui lui plaisait, certains qu’elle possède, qu’elle a eu entre ses mains, et d’autres qu’elle a envie d’acquérir. Ce qui est après tout logique. Même « s’il a fallu choisir à grand-peine, retrancher, opérer des coupes claires dans l’immense inventaire des curiosités, l’inventivité des navigateurs des capitaines voyageurs, des équipages et des hommes de bord, rassembler le dit d’un monde énigmatique, balbutiant alors », confirme dans l’introduction, Alain Dugrand. « Ce livre des mers et des voyages est une proposition pour juger du monde tel qu’il demeure, il résonne de l’écho des vacarmes du passé, de rumeurs lointaines, de désirs, d’aventures humaines irrépressibles, des impératifs d’aller toujours plus avant ».
Chaque ouvrage est présenté sur une double page accompagné d’un récit racontant l’auteur et le livre et de plusieurs illustrations extraites des planches. L’iconographie de ces livres de voyages et marine ou les deux ensemble car ils sont indissociables, car on ne se déplaçait pas, autrefois, sans la mer, est particulièrement riche. Elle est celle que les navigateurs ont vue et rapportée. Sans oublier les histoires. Quelques une sont savoureuses, comme celle de cette jeune fille qui croisa la route d’un ours. L’animal tomba amoureux de la belle et dit-on, ils eurent un bel enfant. Ou cette autre rapportée par René Constantin de Renneville qui explique qu’en Inde, ce sont les prêtres Bramaines ou Bramains qui sont chargés d’ôter la virginité des filles avant leur mariage. On découvre encore un repas cannibale des histoires rats chassés par les chiens car les chats sont chassés par les habitants qui les mangent. « J’aimerais que cette littérature revive, dit encore Michèle Polak, elle est riche et parfois drôle. » Joseph Kabris, un Bordelais, connut des aventures jusqu’à ce qu’il fasse naufrage de l’île Nuka Hiva aux Marquises. Les indigènes organisèrent une fête pour l’accueillir lui et ses compagnons d’infortune. D’infortune en effet, car la fête prévoyait un repas dont ils devaient être les plats principaux. Mais la fille du roi s’éprit du beau matelot et il fut sauvé. Marié, prince, père de famille, tatoué comme ses nouveaux congénères, l’homme serait peut-être devenu roi si le commandant d’un bâtiment russe ne l’eut pas soustrait, à son corps défendant à son paradis. Et Kerguelen se taille lui aussi une belle part parmi les aventuriers. Au fait, il ne débarqua jamais sur l’île qui porte son nom. Ce « trésor » réussit à en être un en réunissant tous ces ouvrages que l’on voit passer dans les bibliographies et que l’on ouvrira désormais.
(1)– Trésors des livres de mers de Christophe Colomb à Marin-Marie par Michèle Polak et Alain Dugrand, Ed. Hoëbeke, 280 p. 59 €.
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