vendredi 30 avril 2010

QUE MES BIBLIOFOLIES VIVENT !


Et toujours mes "bibliofolies" ! ne pas les oublier pour qu'elles continuent à vivre, à forcer, grandir et prendre du poids et ainsi se multiplier dans les bibliothèques des amis du livre et les miens aussi par la même occasion.

Les billets de La Bibliothèque, 175 p.14 €.

mardi 27 avril 2010

NOUVELLE EDITION DE "HISTOIRE DE L'ORDRE DE MALTE


Une nouvelle édition revue et augmentée de "Histoire de l'ordre de Malte" vient de sortir dans la collection Tempus (Perrin) en librairie.

UNE HISTOIRE COMPLETE ET THEMATIQUE DE L’ORDRE DE MALTE
Depuis 1113, l’année de la promulgation d’une bulle du pape Pascal II, consacrant la congrégation de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, comme un ordre religieux, exempt de l’Eglise, jusqu’à nos jours, l’histoire de cette institution s’est confondue avec celle de l’Europe. Cette histoire-là est autant religieuse ou maritime, que militaire ou artistique. Sa vocation première, c'est-à-dire le soin donné aux malades, complétée par la défense de la foi chrétienne, par les armes durant plusieurs siècles, a été doublée par d’autres actions que nos contemporains peuvent contempler, tant à Rhodes, qu’à Malte et dans toute l’Europe. Les traces ou les marques de l’ordre de Malte, puisque c’est ainsi qu’on le nomme familièrement, sont encore présentes dans les arts. Il est aussi intéressant de savoir que le « Code Rohan », établi à la fin du XVIIIe siècle, a pu inspirer le Code civil.
Les ouvrages inspirés par l’ordre de Malte, sont nombreux. Ils évoquent des commanderies, des faits d’armes, de la vie des saintes de l’Ordre, de l’architecture. Les histoires complètes de l’Ordre sont plus rares. Sans doute, parce que neuf siècles, si riches, sont difficile à contenir dans un volume. Pour la première fois, l’aventure ou l’épopée ou simplement la mission des Hospitaliers, est abordée, dans cet ouvrage, d’une manière chronologique et thématique. Les hôpitaux et la médecine, la marine, les arts, les saints et les saintes, se détachent et complètent les chapitres plus traditionnels. Nous découvrons qu’à la suite des ingénieurs italiens qui bâtirent la cité de la Valette, des ingénieurs français, de l’école de Vauban construisirent des fortifications nouvelles. C’est ainsi que Malte peut être considérée à la fois comme un conservatoire de l’art militaire et de l’art baroque.
Des annexes donnent toutes les informations sur l’état de l’Ordre aujourd’hui, ses membres, ses costumes, ses charges et même la littérature. Une annexe est, par exemple, consacrée au « Caravage, chevalier de Malte ».
L’auteur a, également, remis en place quelques idées reçues, donnant tout son sel, à un livre, important, certes, mais qui se lit mieux qu’un roman.

Histoire de l’ordre de Malte, par Bertrand Galimard Flavigny, collection Tempus, 450 p. 10.50 €.

dimanche 11 avril 2010

BIBLIOFOLIES


le Salon international du livre ancien se déroule les 16, 17 et 18 avril 2010, sous la verrière du Grand Palais, à Paris. Voici l'occasion de reprendre en main ou de découvrir les "Bibliofolies".

Le dernier né des ouvrages des Editions La Bibliothèque « Bibliofolies », Chroniques d’un bibliophile » avait sa place toute trouvée parmi les parutions de ces Editions et plus particulièrement dans cette collection, bien connue des amateurs, « Les Billets de la Bibliothèque ». Que pouvait-on, en effet, offrir de mieux à ce recueil de chroniques bibliophiliques signées Bertrand Galimard Flavigny que ces Editions de La Bibliothèque connues et nées sous le signe de l’amour des beaux livres, des livres anciens et des bibliothèques !
Charmantes invites à la passion des livres, à la bibliophilie, aux « Bibliofolies », ce sont, en effet, plus de soixante digressions que nous offre amoureusement dans ce dernier ouvrage Bertrand Galimard Flavigny. Il nous entraîne ainsi dans ce monde un peu baroque, parfois un peu foutraque, des livres, des éditions et rééditions, dans ce monde fabuleux qu’est la bibliophilie ; glissant du livre rare ou précieux, aux éditions originales, aux livres anciens, truffés ou encore peints, cet opuscule n’est pas réservé aux seuls bibliophiles qui apprécieront bien sûr la saveur de ces pages. Ils y liront ainsi avec délice par exemple cette chronique consacrée à l’ouvrage de William Blades « Les livres et leurs ennemis » paru pour la première fois à Londres en 1880, et trois années plus tard à Paris chez A. Claudin, et dans laquelle Bertrand Galimard Flavigny nous rappelle que Voltaire réduisait à quelques dizaines de pages seulement des volumes entiers pour faire relier ensemble, véritable bibliothèque portative, ces pages arrachées ! Ou encore, cette chronique consacrée à la traduction du premier traité sur l’amour des livres composé au XIVème siècle par R.d’Aungerville de Bury, intitulé « Philobiblion », publié pour la première fois à Cologne en 1473, et dans lequel l’auteur recommandait pour le prêt des livres d’exiger en échange un gage d’une valeur supérieure !
On entre dans « Bibliofolies » comme on entrerait à pas feutrés tout emprunt de curiosité dans une belle bibliothèque, et on se surprend après avoir saisi parfois « au hasard » une chronique à la reposer pour en choisir une autre dont le titre – « un scarabée sur chenilles », « Noire tulipomania »… - comme une jolie reliure nous interpelle, nous séduit… On y apprend ainsi que l’ouvrage de Michel Déon portant le titre « Dernières nouvelles de Socrate » dont l’édition originale fut dirigée par Marie-Claude Char et illustrée par Jean Cortot est une merveille pour le bibliophile ; de même, ce projet de tableaux parisiens entre le graveur Charles Meryon et Charles Baudelaire avorté de leur vivant, mais qui verra néanmoins le jour cent quarante ans plus tard pour la plus grande joie des bibliophiles aux Editions de La Bibliothèque sous le titre « Paris 1860 ». ; ou encore, la publication du recueil « Escales » de Jean Cocteau tirée à 440 exemplaires et considérée comme l’une des impressions les plus réussies de son époque.
Témoignage de bibliophile, ce recueil se laisse lire comme un léger et savoureux divertissement. Tous les amoureux ou amateurs de livres en général ne manqueront pas de sourire en y découvrant l’histoire des parutions et traductions de « Hidalgo Don Quixote de la Mancha » de Cervantès qui dû être piqué au vif pour daigner enfin en écrire la seconde partie ! Le lecteur y croisera des lieux étranges, parfois imaginaires comme l’Isle aux hermaphrodites... Il y rencontrera également entre deux ouvrages anonymes des personnages illustres, Honoré de Balzac, Pierre Corneille, Alexandre Dumas… des oeuvres aux amours passionnelles avec notamment George Sand et Alfred de Musset…
« Bibliofolies » ravira, aussi, les collectionneurs les plus pointilleux qui pour leur part ne manqueront d’y trouver de petites curiosités notamment ce premier ouvrage imprimé en 1808 à Marseille, intitulé « Traité théorique de l’art du savonnier » et exposant les secrets de fabrication du savon de Marseille, ou ce petit traité intitulé « Instruction populaire sur le blanchissage à la vapeur, imprimée et publiée par ordre du gouvernement » publié en 1805 et que possédait Napoléon dans sa bibliothèque... Les véritables bibliomanes, enfin, ne demeureront pas en reste, et trouveront dans cet ouvrage des chroniques dignes de leur passion avec notamment la fabuleuse histoire de Jean-Népomucène-Auguste Pinchaud de Fortsas… Ce sont là, rassemblés, des récits extraordinaires du monde fabuleux de la bibliophilie, on y rit, sourit, rêve surtout… que d’aventures, de périples pour ces héros, ces compagnons fantastiques que sont les livres…
Cette « Bibliofolies » à la couverture couleur coquelicot est sans conteste un biblion savoureux par « ce presque rien », cette délicatesse de choix éditorial, qui fait des Editions La Bibliothèque une édition privilégiée des bibliophiles…On en deviendrait pour un peu Bibliotaphe !

Bertrand GALIMARD FLAVIGNY : « Bibliofolies ; Chroniques d’un bibliophile », Paris, Editions de La Bibliothèque, 2008, 172 p.

Article paru sur le site : www.lexnews.fr

mercredi 7 avril 2010

LES PASSAGERS DU VENT ET LES ESCLAVES



L’une des bandes dessinées parmi les plus mythiques de son histoire trouve sa consécration au musée de la Marine.

« A l’origine, je ne pensais pas réaliser une histoire purement marine, sans songer composer une histoire consacrée à la traite négrière », confie François Bourgeon auteur et illustrateur qui a imaginé cette histoire des « Passagers du vent » vers la moitié des années 1970, sans imaginer qu’elle deviendrait l’une des plus mythiques de celle de la bande dessinée marine et de la BD tout court, car elle rompt les digues qui la séparait de la littérature. Quatre albums devaient suivre jusqu’en 1984, puis plus rien. Le récit s’achève lorsque l’héroïne, dépouillée de tout, s’élance, sous la pluie, sur une plage de Saint-Domingue, le vendredi 29 mars 1782, en disant : » Ce jour-là, j’ai failli oublier que je n’avais, sommes toute, que dix-huit ans…et encore toute la vie devant moi ». Vingt-cinq ans plus tard, François Bourgeon vient de donner une suite à ces Passagers du vent, sous le titre La Petite-fille Bois-Caïman (1).
Le musée national de la Marine (2) présente aujourd’hui des planches originales, des objets et maquettes sortis de l’atelier de cet auteur qui a connu la mer et surtout les bâtiments de haut bord et autres navires, en lisant Le vaisseau de 74 canons, traité pratique d'art naval, 1780 par Jean Boudriot (3). Cet ouvrage est pratiquement le seul qui explique et décrit d’une manière précise l’architecture, la composition de ce type de vaisseau de ligne et également la vie à bord. « En refermant le livre, j’ai éprouvé le désir, comme lorsque l’on vient d’assister à un bon film et que l’on incite ses amis à aller le voir, de partager cet univers », dit François Bourgeon. Sans coup férir, il réalisa une maquette de la frégate baptisée « La Marie-Caroline » afin d’en apprendre et les gréements. Entre temps, il eut entre ses mains l’ouvrage de Pierre Verger, Flux et reflux de la traite des nègres entre le golfe de Bénin et Bahia de Todos Os Santos du XVII° au XIX° siècle ». C’est ainsi que s’est orienté son récit. Il découvrit dans les archives coloniales, rue Oudinot, à Paris, le plan du fort de Saint-Louis de Juda, réalisé en 1776 par l’abbé Bullet. Relevant leurs cotes, il les a reproduits en maquette, notamment pour étudier les ombres, utilisant si besoin était, des miroirs afin de suivre le déplacement des personnages. François Bourgeon est un grand lecteur qui ne cesse de croiser et recroiser les informations qu’il glane çà et là. Les maquettes font partie de ces croisements. Retrouvant des aquarelles figurant les plantations de la Louisiane au milieu du dix-neuvième siècle, l’illustrateur a su placer son décor principal de La Petite-fille Bois-Caïman.
L’histoire des Passagers du vent est double. Elle est celle d’Agnès de Roselande dont l’identité a été volée à cause d’un jeu d’enfants. Devenue, malgré elle Isabeau, dite Isa, elle se retrouve embarquée sur un vaisseau du roi. Les aventures mèneront la jeune femme en Angleterre puis en Afrique et enfin à Saint Domingue, avant que nous la retrouvions, en présence de son arrière-petite-fille, en Louisiane, au moment de la Guerre de Sécession. Nous sommes en présence d’un roman dans lequel les femmes jouent le principal rôle au centre d’un conflit qui dura, celui de la traite des noirs, jusqu’à sa suppression. François Bourgeon conduit son récit avec des allers et retours, fournissant au lecteur les explications qui lui semblent manquer un moment. Rien de linéaire chez lui, il mène pourtant à bien sa bataille pour la liberté. Les deux derniers tomes composés dans un format plus grand que celui des cinq premiers, et grâce aux nouvelles techniques avec une colorisation plus intense, et un jeu de vignettes superposées, sont, le mot n’est pas trop fort, remarquables.


(1) les Passagers du vent, « la Fille sous la dunette », « le Ponton », « l’Heure du serpent », « le Comptoir de Juda », « le Bois d’ébène », - La Petite-fille Bois-Caïman, livre 1, et 2, 70 p. ,Editions 12Bis,
(2) Musée national ce la Marine, place du Trocadéro, Paris, jusqu’au 3 mai 2010.
(3) Ed. Ancre (Nice) 4 to. 416 €.


On eut lire aussi : Bourgeon, par Christian Lejale, Ed. Imagine & Co -
– François Bourgeon, le passager du temps, par François Cortegianni, Glénat

dimanche 28 mars 2010

L’HEURE N’EST PAS CELLE QU’ON CROIT



Les Suisses se sont bien amusés, dans les années soixante-dix, lorsque la France institua les heures d’été et d’hiver. « Nous fabriquons les montres, dit l’un d’eux. Et vous, vous changez les heures ! » Depuis, l’Europe entière est passée sous le joug de cet arbitraire. Le changement d’heures est peut-être une coutume française. Avant le XIXe siècle, chaque ville y avait son heure propre, mais le développement des moyens de communication, notamment du chemin de fer, nous a obligés à adopter une heure unique. Elle fut d’abord celle du méridien de Paris. Un certain Collin publia, en 1880, une plaquette de 21 pages, intitulée : L’unification de l’heure à Paris et dans toute la France, qui faisait le tour de la question. Puis, en 1911, on s’aligna sur Greenwich. Aujourd’hui, nous nous alignons sur un décret. De ces textes qui empoisonnent la vie des citoyens et que les politiques justifient parce qu’un conseiller technique leur a prouvé que leur idée était bonne.
Bien avant tout cela, Henri Sully (1680-1729) avait étudié la Règle artificielle du temps. Son traité parut une première fois, en Autriche à Vienne, en 1714, sous ses seules initiales. Ce savant d’origine anglaise, devait créer en 1718, une manufacture d'horlogerie à Versailles. Il entreprit aussi, en 1727, la construction de la méridienne de l’église Saint-Sulpice à Paris. Cette œuvre fut achevée par l’astronome Pierre- Charles Le Monnier (1715-1799). Mais c’est son ouvrage qui l’occupait le plus. Il y revint plusieurs fois, en ajoutant, en 1717, à sa « Règle », le traité de la division naturelle et artificielle du temps, des horloges et des montres de différentes constructions, de la manière de les connoître et de les régler avec justesse. Tout ceci en près de deux cents pages. Cette édition, était, en outre, augmentée par un Extrait de la lettre du R.P. Kresa S.L. écrite à M. Williamson, Horloger du cabinet de sa Majesté Impériale du 9 janvier 1715, et par la Description d’une montre d’une nouvelle construction présentée à l’Académie royale des Sciences au mois de juin 1716. Il s’agit sans doute de son chronomètre de marine destiné à la détermination des longitudes. Une nouvelle édition sortit, en 1737, sous le même titre (1).
Aujourd’hui, tout est simple à effectuer. On nous dit : avancez d’une heure vos montres, ou, à l’inverse, reculez-la d’une heure. Et l’on gagne ou perd à chaque fois du sommeil. Tandis qu’autrefois, la longueur du temps était plus affinée. Grâce à Sully et quelques-uns autres, nous savions que la différence entre le temps solaire moyen et le temps solaire vrai était appelée « équation du temps ». Celle-là varie chaque jour et atteint –16 minutes en novembre et +14 minutes en février. Ce décalage horaire est quand même plus supportable.

(1) L’éditeur belge, Machiavel, a réimprimé cette édition, à 1000 exemplaires.

samedi 20 mars 2010

Bibliofolie / LE MOINE ET LES VAMPIRES


Les vampires sont entrés dans la quatrième édition, celle de 1762, du Dictionnaire de l’Académie française, avec cette définition : « Nom qu'on donne en Allemagne à des êtres chimériques, à des cadavres qui, suivant la superstition populaire, sucent le sang des personnes qu'on voit tomber en phthisie (sic). » Ces êtres venus de l’au-delà avaient déjà été examinés par le frère bénédictin Dom Augustin Calmet (1672-1757). Après avoir séjourné dans plusieurs abbayes de son ordre, et de multiples recherches philosophiques et théologiques en bibliothèques, il fut élu abbé de Sénone, la capitale de la principauté de Salm dans les Vosges. C’est là qu’il écrivit la Dissertation sur les apparitions des anges, des démons et des esprits et sur les revenans, et vampires de Hongrie, de Bohême, de Moravie et de Silésie (Paris, de Bure, 1746, in-12). Voltaire, après lu cet ouvrage, s’écria : « Quoi ! C’est dans notre XVIIIe siècle qu’il y a eu des vampires ! C’est après le règne des Locke, des Shaftesbury, des Trenchard, des Collins ; c’est sous le règne des d’Alembert, des Diderot, des Saint-Lambert, des Duclos qu’on a cru aux vampires, et que le RPD Augustin Calmet, prêtre, bénédictin de la congrégation de Saint-Vannes et de Saint-Hidulphe, abbé de Sénone, abbaye de cent mille livres de rente, voisine de deux autres abbayes du même revenu, a imprimé et réimprimé l’Histoire des Vampires, avec l’approbation de la Sorbonne, signée Marcilli ! ». Tout rationaliste qu’il était Voltaire ne manqua pas d’examiner ce traité des vampires et de l’exploiter à sa façon. Bien plus tard, le libraire Dorbon, dans son catalogue, Bibliotheca Esoterica mettait l’accent sur d'assez curieux chapitres renfermés dans l’ouvrage : "Sentiment des anciens Grecs et Latins sur le retour des Ames et sur leurs évocations par la Magie ; Evocation des Ames des trépassés ; Apparitions des Spectres ou des Démons, et des Esprits Spectres ou Démons qui causent la tempête ; Feu de S. Elme ou de S. Germain ; Apparitions d'hommes vivans à d'autres hommes vivans et éloignés […]; Les Démons sont ils gardiens des trésors cachés […] ;Morts de Hongrie qui sucent le sang des vivans […] ; Les excommuniez pourrissent ils en terre […] ; Morts qui mâchent comme des porcs dans leurs tombeaux » , etc.
La « Dissertation », très vite épuisée, fut réimprimée en 1749 à Eindieseln. Si ce "Traité" connut un succès véritable, il provoqua quelques réactions, notamment celles dom Ildephonse Cathelinot, un ami de Calmet : « Je vous dirai franchement que cet ouvrage n’est point du goût de bien des gens, et je crains qu’il ne fasse quelque brèche à la haute réputation que vous vous êtes fait jusqu’ici dans la savante littérature. En effet, comment se persuader que tout ces vieux contes dont on nous a bercés dans notre enfonce sont des vérités ? » De son côté l’abbé Nicolas Lenglet-Dufresnoy (1674-1755), un érudit polémiste qui disait de lui-même : « Je veux être franc Gaulois dans mon style, comme dans mes actions », stigmatisa le manque d’authenticité et de certitude dans l’examen des faits soulevés par Calmet. Son Traité historique et dogmatique sur les apparitions, les visions et les révélations particulières, avec des observations sur les dissertations du R.P. dom Calmet,… (Avignon ; et Paris, J.-N. Leloup, 1751. 2 vol. in-12.) est pour le moins assez violent. En toute humilité, Calmet reprit son texte, tenant compte de tous les reproches qui lui avaient été faits et sortit une nouvelle version corrigée et augmentée, toujours chez de Bure, en 1751 en 2 volumes in-12, sous le nouveau titre : Traité sur les apparitions des esprits et sur les vampires ou les revenans de Hongrie, de Moravie, & c. […] Avec une lettre de M. le marquis de Maffei sur la magie. Ce dernier, auteur italien né à Vérone (1675-1755) fut un esprit éclairé et un érudit célèbre dans toute l’Europe. Cette nouvelle édition fut traduite en allemand à Augsbourg dès 1752 et en italien à Venise en 1756. « Je n’écris que pour des esprits raisonnables, et non prévenus qui examinent les choses sérieusement et de sang-froid », écrivit dom Calmet dans sa nouvelle préface.


Vu à la librairie Villa Browna, à Paris, un exemplaire relié en plein veau, comportant l’ex-libris gravé de Germain Barré, curé de Mouville près de Rouen, et de Monsieur [Michel] Cousin, avocat du Roi au balliage de Caus, Dieppe, affiché 950 €. - http://www.villabrowna.blogspot.com/ - www.villabrowna.com

Le « Traité » a été réédité sous le titre Dissertation sur les vampires par les Ed. Jérôme Million, 1998

mercredi 17 mars 2010

UN BON SAUVAGE DANS LA BELLE PROVINCE



Le baron de Lahontan vécut dix ans Québec, à partir de 1683 et en rapporta un récit précieux pour l’histoire du Canada.

Les voyageurs en Nouvelle France, autrement dit le Québec ont rapporté des récits qui furent repris par d’autres auteurs, à un tel point que l’on ne sait plus, parfois, qui en fut le véritable. Lors de notre visite dans le centre de conservation de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), nous avions tenu entre nos mains les Voyages dans l'Amérique septentrionnale (sic), par le baron de Lahontan, dans l’édition de 1706 à La Haye. Un exemplaire de celle de 1703 parue la même année que l’originale, a été adjugée 2.200 €, à Drouot, le lundi 7 décembre 2009 par la svv Guillaume Le Floc’h, assistée par Emmanuel de Broglie. Cet ouvrage important pour l’histoire du Canada à la fin du XVII° siècle, est également intéressant pour sa description des mœurs et des coutumes des Indiens. Comme le souligne le bibliographe Charles Chadenat (1859-1938), « les cartes et planches sont très curieuses ». Cet ouvrage est orné d’un frontispice et de 25 planches et comprend un « Petit dictionnaire de langue sauvage ». Son titre complet se décline ainsi : Nouveaux Voyages de Mr le Baron de LAHONTAN dans l'Amérique septentrionale, qui contient une relation des differens peuples qui y habitent ; la nature de leur gouvernement ; leur commerce, leurs coutumes, leur religion,&leur maniere de faire la guerre [...]. et Mémoires de l'Amérique septentrionale, ou la Suite des Voyages deMr le baron de LAHONTAN qui contiennent la description d'une grande étendüe de païs de ce continent [...]. À La Haye, Chez les Frères L'Honoré, 1703. Les deux tomes sont réunis en un volume in-12.
De son vrai nom, Louis Armand de Lom d’Arce (1666-1716), Lahontan fut le premier auteur d’une ethnologie sur l’organisation en nations politiques des différents peuples du Québec. Il débarqua en Nouvelle France, le 8 novembre 1683 et passa l’hiver sur la côte de Beaupré. « Sans mentir [...] les paysans y vivent plus commodément qu’une infinité de gentilshommes en France. Quand je dis paysans, je me trompe, il faut dire habitants, car ce titre de paysan n’est pas plus reçu ici qu’en Espagne [...] », écrivait-il le 2 mai 1684. Lahontan séjourna dix ans en Nouvelle France, après avoir atteint le lac Ontario, puis le lac Champlain, et exploré la région des Grands lacs. Il se retira ensuite en Hollande, d’où il publia ses ouvrages qui remportèrent un certain succès. Ses « Nouveaux voyages dans l’Amérique septentrionale » parurent donc, pour la première fois en 1703, à La Haye, sous son nom. Il existe une quatrième édition de cet ouvrage imprimée à Amsterdam en 1728, « pour la Vve de Boeteman ».
Selon certains, leur auteur serait en réalité Nicolas Gueudeville (1652-1721), un bénédictin de Saint-Maure défroqué, proche des philosophes, qui publiait des ouvrages polémiques. Il semblerait pourtant ou à cause de cela que ces Nouveaux voyages furent les plus lus, parmi les récits du genre, au XVIII° siècle. On attribue au même Gueudeville un autre écrit, toujours paru en 1703, les Dialogues avec un Sauvage dans l’Amérique, et dans lesquels « Lahontan » met en scène une discussion entre lui-même et un « Sauvage de bon sens » nommé Adario. Ces « dialogues » furent repris bien plus tard en n1931, par Gilbert Chinard (Paris, A. Margraff, in-8) sous le titre complet : DIALOGUES CURIEUX entre l’auteur et un sauvage de bon sens qui a voyagé et Mémoires de l’Amérique Septentrionale, orné de 7 reproductions de gravures originale hors texte.
Surnommé le « soldat inconnu des Lumières » Gueudeville s’était lui aussi établi à La Haye. Malgré la décision de l’ambassadeur du roi de France de l’interdire de séjour, il passa outre, se convertit à la religion Réformé, se maria et publia les Nouvelles des cours d’Europe de 1698 à 1710 qui remportèrent un grand succès. On lui accordait une grande originalité. Nul n’a réussit à prouver qu’il ait été le véritable auteur des voyages de Lahontan. Il semblerait qu’il ait en effet rédigé les « dialogues » qui préfigurent le mythe du bon sauvage mis en avant par Rousseau, ce qui aurait entraîné la confusion.

Bertrand Galimard Flavigny

article paru dans la Gazette de l'Hôtel Drouot du 12 mars 2010